MISE A JOUR : le délibéré a finalement été reporté au 9 février.
Les Associations familiales catholiques (AFC) vont-elles obtenir gain de cause contre Gleeden ? Dans cette bataille "morale", elles accusent, devant le tribunal de grande instance de Paris, le site de rencontres extraconjugales de promouvoir l'infidélité en violation du Code civil.
La "promotion" de l'infidélité. Tout a commencé il y a deux ans, en février 2015. Une polémique éclate après le lancement d'une campagne publicitaire aux slogans provocateurs. "Et si cette année vous trompiez votre amant avec votre mari ?", "Être fidèle à deux hommes, c'est être deux fois plus fidèle, "Contrairement à l'antidépresseur, l'amant ne coûte rien à la sécu", pouvait-on lire sur ces affiches, placardées dans les abris bus et les stations de métro. À l'époque, plusieurs maires de communes franciliennes avaient fait interdire la campagne d'affichage.
Les AFC, reconnues d'utilité publique, avaient alors attaqué la société BlackDivine, éditrice du site Gleeden, l'accusant d'inciter à violer l'obligation de fidélité des époux, inscrite dans l'article 212 du Code civil, et de faire la "promotion publique de la duplicité" et "du mensonge". Devant le tribunal de grande instance de Paris, les Associations familiales catholiques ont demandé l'annulation des contrats entre le site et ses clients, et qu'elle ne fasse plus "valoir l'argument de la relation extraconjugale" dans ses publicités.
Gleeden, un site de rencontres comme les autres ? Or, pour l'avocat Pierre-François Rousseau, interrogé par Europe 1, "Gleeden vend le même service que les autres sites du même genre : une plateforme pour échanger et faire des rencontres. Il n'oblige pas ses membres à être mariés et ne garantit pas que les relations qui pourraient naître seraient adultérines, mais indique seulement dans ses conditions générales que c'est une possibilité (qu'on retrouve aussi sur Adopte un mec, Meetic, etc)". Seule différence : Gleeden a choisi de "communiquer avec humour sur l'infidélité pour se singulariser sur un marché déjà très occupé", estime Me Rousseau.
Des associations "gouvernées par une idéologie". Plus largement, le procès qui oppose les AFC à Gleeden – et qui peut sembler anecdotique de prime abord – est "symptomatique d’une époque", affirme Me Caroline Mécary à Europe 1. Pour l'avocat, qui représente BlackDivine, la société éditrice du site de rencontres, "cela s’inscrit dans une tendance de plus en plus forte en France : des associations gouvernées par une idéologie religieuse qui cherchent à imposer leur vision du monde".
Après les films, les sites de rencontre. Pour illustrer son propos, l'avocate du barreau de Paris cite tour à tour la polémique liée aux films La Vie d’Adèle, Antichrist, ou dernièrement le film d’animation pour adultes Sausage Party. L'association Promouvoir, proche des milieux catholiques traditionalistes, avait en effet déposé un recours pour demander la suspension de son visa d'exploitation. En cause : des scènes sexuellement explicites entre aliments et produits ménagers. Les Associations familiales catholiques, qui attaquent aujourd’hui Gleeden, s’étaient alarmées devant ce film "donnant l'apparence d'être destiné aux jeunes et aux enfants (à l’image de Toy Story), mais dont le contenu est non seulement grossier mais surtout clairement pornographique".
Une "instrumentalisation du prétoire". "Ces associations ne supportent ni l’autre, ni la jouissance de l’autre. Or, chacun vit son couple et sa sexualité comme il en a envie", martèle Me Mécary. "Moi, je leur dis 'Vous faites de la politique. Vous instrumentalisez le prétoire !'"
Le délibéré du tribunal de grande instance de Paris est attendu jeudi en début d'après-midi.