Le chiffre augmente, inexorablement. Ce week-end, le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint a grimpé à 84 depuis le 1er janvier 2019. Alors que doit s'ouvrir, le 3 septembre prochain, le "Grenelle des violences conjugales" promis par le gouvernement, Ernestine Ronai, présidente de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis et membre du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, a détaillé les attentes des associations féministes.
Des moyens financiers et une meilleure application des politiques publiques
D'abord, "que des moyens soient mis sur la table avec ce Grenelle", a-t-elle expliqué au micro d'Europe 1. "Ce qu'on espère, ce sont des moyens en hébergement, des moyens donnés aux associations spécialisées, des moyens aussi en personnel (magistrats, policiers, gendarmes) pour que dès les premières violences, on les prenne au sérieux." Pour Ernestine Ronai en effet, l'un des principaux problèmes aujourd'hui est la non prise en compte des violences dès qu'elles sont signalées. "Aujourd'hui, on ne prend pas au sérieux les violences faites aux femmes dès qu'elles arrivent. J'espère qu'on arrivera à penser à une présomption de crédibilité pour les victimes."
Mais la présidente de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis rappelle également que "les moyens législatifs" pour éviter les violences conjugales "existent" déjà : "éviction du mari violent dès la plainte, ordonnance de protection même sans plainte, téléphone grave danger... il existe des moyens. Ce qu'il faut, c'est les mettre en oeuvre." À titre de comparaison, 1.400 ordonnances de protection ont été prononcées en France en 2017. Dix fois moins qu'en Espagne sur le même laps de temps.
"La société prend conscience de l'ampleur des dégâts"
"Des magistrats formés, sensibilisés aux violences, accordent ces ordonnances de protection", martèle Ernestine Ronai, en prenant l'exemple de la Seine-Saint-Denis, où se concentrent 15% des ordonnances de protection. "Cela veut dire qu'il faut arriver à mieux former tous les professionnels." Par ailleurs, l'experte réclame une "évaluation des politiques publiques".
Pour Ernestine Ronai, les choses bougent néanmoins. "La société est en train de prendre conscience de l'ampleur des dégâts. Quelque chose va devenir possible car la société se mobilise. Ce qui compte, c'est qu'on arrive à ce que les mentalités changent et bougent, et donc à ce que le gouvernement prenne la mesure des souffrances que ces violences occasionnent." C'est aussi dans cette optique qu'elle milite pour l'emploi du terme "féminicide". "On est en train de compter aujourd'hui le nombre de femmes tuées de manière 'artisanale'. L'idée, c'est de rendre visible le fait que des femmes sont tuées parce qu'elles sont la compagne ou l'ex-compagne d'un homme violent." Employer le terme "féminicide", "c'est rendre visible le fait que ce sont des femmes qui sont tuées", explique Ernestine Ronai.