1.000 hectares de végétation détruits en quelques heures. Ce dimanche, les Pyrénées-Orientales ont été touchées par un incendie, attisé par un vent violent et directement lié à la sécheresse dans la région, qui connait un fort déficit pluviométrique depuis plusieurs mois. Sur place ce lundi matin, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a souligné que cet incendie marquait le début de la "saison des feux", qui commence "très tôt du fait du réchauffement climatique".
Une situation particulièrement inquiétante, d'autant plus que la France a été particulièrement touchée par les feux durant l'été 2022. 66.000 hectares ont été ravagés, notamment en Gironde, où les mégafeux ont brulé près de 30.000 hectares, mais aussi dans les Bouches-du-Rhône, le Gard, la Drôme, ou encore la Bretagne et le Jura, des régions habituellement moins concernées par les incendies.
"Les moyens ne suffisent jamais"
Alors, pour tenter de réduire le risque incendie, le gouvernement vient de dévoiler un nouveau dispositif, qui permettra de disposer de plus de moyens aériens et humains, et qui met également l'accent sur la prévention auprès de la population, notamment à travers la mise en place d'une "météo des forêts". Mais tout cela sera-t-il suffisant pour limiter le risque incendie ?
Probablement pas, selon Julien Ruffault, chercheur post-doctoral à l'URFM Inrae à Avignon, car même si "c'est bien de renforcer les moyens, il ne faut pas non plus s'attendre à ce que ce soit la solution à tous les problèmes". En cause : l'effet du réchauffement climatique qui, couplé à la sécheresse, fait craindre des incendies plus importants qu'auparavant.
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"On a globalement des conditions plus sèches et un risque incendie plus accru qu'il y a quelques décennies, mais cela a jusqu'à présent été contrecarré par l'augmentation progressive des budgets, des moyens et des pratiques de suppressions des incendies", explique le chercheur, co-auteur de l'ouvrage Feux de végétation - Comprendre leur diversité et leur évolution (éditions Quae). "La question est : jusqu'à quand ça peut tenir ? Car ce qu'on observe dans les autres pays, c'est qu'en général, les moyens ne suffisent jamais. Faire la guerre contre le feu, ça ne marche jamais, il n'y a pas de gagnant."
Cette année, la sécheresse qui touche le pays depuis des mois fait donc craindre "sans doute au moins aussi difficile que l'été 2022", estimait Gérald Darmanin lors de son déplacement dans les Pyrénées-Orientales. Mais le niveau de risque incendie pourrait aussi augmenter dans les années à venir, "ce qui ne veut pas dire que tous les étés seront catastrophiques mais qu'on augmente la probabilité d'avoir des feux plus intenses dans le futur", reprend Julien Ruffault.
Repenser la structure des territoires et limiter les émissions carbone
D'autant plus que le réchauffement climatique fait également craindre une extension géographique des zones à risque, où plus de régions habituellement épargnées l'été pourraient être touchées. À cela s'ajoute la possibilité d'une saison des feux plus longue et surtout plus intense durant l'été, notamment pour les régions déjà très à risques, comme le sud-ouest ou le pourtour méditerranéen. Enfin, les mégafeux pourraient se multiplier.
S'il n'y a "pas de solution miracle", les dispositifs mis en place peuvent tout de même permettre d'anticiper le risque incendie. Au-delà de la prévention de la population et de l'augmentation des moyens, "il y a le volet territorial, qui peut être l'une des clés car il faut aussi s'interroger sur le type, la forme et la structure de nos territoires pour être en mesure de proposer des éléments de réponses plus adaptés à ce risque croissant. Par exemple, en repensant le paysage des forêts, qu'elles soient moins en continu, avec plus de barrières naturelles pour limiter le développement des incendies, ou encore en limitant le mitage, c'est-à-dire les maisons isolées en pleine forêt", détaille le chercheur post-doctoral à l'Inrae.
Mais la solution la plus efficace reste de lutter contre le réchauffement climatique et de "limiter les émissions carbone. Dans le cas du scénario où on ne les réduirait pas d'ici à la fin du siècle, le nombre de grands feux pourrait être multiplié par trois", prévient Julien Ruffault. Comme le chercheur, les scientifiques insistent sur le fait qu'un été comme 2022, celui de tous les records, notamment sur le front des incendies, pourrait devenir la norme en 2050.