Quelque 6.939 navires et 132.700 hommes débarquant sur les plages normandes : le scénario est plus vrai que nature. Depuis 75 ans, le "Jour J" a inspiré cinéastes, scénaristes et dessinateurs, proposant autant de récits de cet événement historique… et contribuant à l'inscrire un peu plus dans les mémoires.
Dans Le Tour de la question, jeudi sur Europe 1, Wendy Bouchard et ses invités sont revenus sur les récits du débarquement, à l'occasion des commémorations organisées toute la journée en Normandie.
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"Cette date constitue le début de la libération"
Comment expliquer que cette journée fasse l'objet d'autant d’œuvres, au milieu d'autres dates importantes de l'histoire ? D'abord parce qu'elle a profondément marqué une génération, qui en a transmis la mémoire à ses enfants, aujourd'hui adultes. "Le 6-Juin et la bataille de Normandie font vraiment partie de ma vie, même si je n'étais pas né", sourit ainsi François Geffrotin, journaliste à Europe 1, qui a grandi dans le Calvados. "Mes parents avaient 24 et 21 ans, ma maman était à Caen lors des premiers bombardements sur la ville, à 13h30. J'ai été bercée de manière naturelle par tout ce qu'ils ont vécu."
"Pour les Français, cette date constitue le début de la Libération - même si la Corse avait déjà commencé à être libérée", élargit Marc Laurenceau, créateur du site tentaculaire dday-overlord.com. "Après, de manière internationale, Hollywood a très tôt désigné le débarquement de Normandie comme un événement majeur. On a des films comme Le Jour le plus long, et plus tardivement le Soldat Ryan ou des séries comme Ben Brothers, qui participent à populariser ces événements."
"Nous sommes dans le monde de l'image"
Bruno Falba, scénariste, libraire et auteur de la BD Opération Overlord, assure lui avoir choisi de raconter le "Jour J" par "devoir de mémoire". "Nous sommes dans le monde de l'image, et la bande dessinée était pour moi le meilleur moyen de parler de cet événement", détaille-t-il. "J'ai rencontré des parents, peu de véritables vétérans parce que nombre sont déjà partis. J'ai créé trois personnages en moyenne par album, afin de créer des liens entre chacun d'entre eux et de pouvoir lier toute l'histoire sans que ce soit uniquement factuel."
Sur un autre support, Jean-Christophe Rosé a choisi de réaliser un documentaire, 6 juin 1944, à la lumière de l'aube, avec, depuis le départ, la volonté de se démarquer. "Comme c'était quelque chose qui avait déjà été fait, que l'on connaissait un peu, j'avais décidé de l'axer autour des opérateurs qui ont filmé le débarquement", explique-t-il. Le "Jour J" a été couvert par "quelques cameramen américains et une dizaine d'Anglais, qui avaient été préparés à l'école du cinéma des armées", retrace le réalisateur. "À travers leurs 'claps', sur lesquels étaient écrits le lieu et l'heure, on avait des références très précises de ce qui s'était passé."
"Il y a eu des dégâts collatéraux de pellicule"
"Pour un documentariste, le débarquement est un peu décevant, parce que ces cinéastes, tout courageux qu'ils étaient, n'étaient pas avec les premières vagues : ils sont arrivés avec les secondes", note cependant Jean-Christophe Rosé. "Les premières personnes qui ont mis le pied sur la terre de France n'ont pas été filmées, sauf sur une plage à Juno, où on voit les Canadiens qui arrivent. C'est un très beau plan, qui s'approche de la côte, avec la barge qui s'ouvre, qui découvrent la première maison qui sera libérée en France…"
La banque de photos du 6 juillet 1944 n'est guère plus pléthorique, selon le réalisateur. "Dans ce maelstrom qu'a été le débarquement, il y a eu des dégâts collatéraux de pellicules, graves. Capa, qui était le grand photographe du moment, a fait au moins 1.000 clichés. Mais quand il est arrivé en Angleterre, il y a eu des problèmes de développement, il en est resté très peu, et pas les meilleurs." Et d'évoquer l'image de "ce soldat qui débarque au milieu des croisillons", devenu "une espèce de mythe, parce qu'on ne le reconnaît pas mais on peut projeter beaucoup dessus".
La bibliographie du débarquement
De tous les ouvrages consacrés au "Jour J", que faut-il retenir ? "Je conseille le livre d'Anthony Beevor, qui s'appelle tout simplement D-Day, et qui a l'avantage de s'intéresser aussi aux 90 jours suivants", commence Marc Laurenceau. "C'est vraiment la référence, parce qu'elle retrace l'intégralité de ce qui s'est passé. Avec, aussi, Le jour le plus long, de Cornelius Ryan, qui a été à l'origine du film (du même nom, ndlr), et qui comporte énormément d'autres détails un peu méconnus, mais qui ont un vrai sens historique."
"Il y a eu beaucoup d'ouvrages sur les opérations militaires, et il a fallu attendre assez longtemps pour parler des civils", complète Thierry Geffrotin. "Je voudrais saluer le travail de Jean Quellien, historien à l'université de Caen. Après la guerre, il y a des chiffres qui sont sortis de nulle part, où on disait qu'il y avait eu 50.000 morts civils en Basse-Normandie, c'était ancré dans l'histoire. Il a fait travailler l'université du troisième âge de l'université de Caen, il les a amenés à refaire toute l'histoire des victimes civiles, et a finalement montré que le nombre de morts était beaucoup moins important."