Cela fait maintenant trois mois que le mouvement des "gilets jaunes", qui organise samedi son "Acte 14", a commencé. Pour la première fois, même si la mobilisation reste populaire, les Français disent majoritairement, dans un sondage, qu'ils veulent que ça s'arrête. Le politologue Jérôme Sainte Marie, directeur de l’institut Pollingvox, éclaire ce retournement pour Europe 1.
Un sentiment de lassitude. "Il est indéniable que dans l'opinion publique en général, il y a un sentiment de lassitude. Ce sentiment est exacerbé dans certaines professions, notamment chez les commerçants, qui sont profondément exaspérés parce qu'ils sont directement pénalisés", souligne le sondeur. En outre, "il y a un problème pour ce mouvement, très perceptible dans les dernières manifestations, c'est la quasi-absence de mot d'ordre. Il y a la revendication du référendum d'initiative citoyenne, mais il n'est pas exclu que ce soit un des points de sortie du grand débat", explique-t-il.
Par ailleurs, "la popularité de l'exécutif remonte de manière très significative, même si le président de la République et le Premier ministre demeurent impopulaires. Le rebond est évident", analyse-t-il. Un retour en grâce en partie dû au "grand débat", selon Jérôme Sainte-Marie. "La démarche est approuvée par une majorité de Français, et il semblerait que la participation soit assez importante. Le gouvernement a su trouver des canaux d'expression pour la population, qui n'a plus besoin de manifester", explique-t-il.
Des déplacements à Paris qui coûtent cher. "On a l'impression que ces manifestations sont très ritualisées, et surtout qu'elles n'arrivent pas du tout à gagner de nouveaux publics. Il n'y a pas de connexion avec des corps de métiers nouveaux, ou avec des syndicats", poursuit le directeur de Pollingvox. Cet essoufflement est très clair dans la capitale. "Très peu de Parisiens manifestent, ce sont surtout des gens qui viennent de province. Ça coûte cher. Il y a une sociabilité qui s'est créée, mais ce n'est pas évident", souligne Jérôme Sainte-Marie.
"Sous les radars du comptage, vous avez la micro-mobilisation autour des ronds points, les discussions des gens... Le pays demeure dans un état de très grande nervosité sociale. Toute nouvelle annonce gouvernementale pourrait déclencher une déflagration", précise toutefois le spécialiste.
"Mais il est évident que la température a quand même beaucoup baissé", admet-il. Et les petites phrases polémiques, comme celle d'Edouard Philippe sur les contreparties aux aides sociales, peuvent aussi avoir un écho positif auprès de certains, selon le sondeur.
Macron et Philippe populaires auprès des électeurs de Fillon. "Cette démarche est destinée à l'électorat que cherche à consolider autour de lui Emmanuel Macron, c'est à dire non seulement son électorat du premier tour, mais également, c'est très manifeste, l'électorat de François Fillon. Le président de la République et le Premier ministre, aujourd'hui, sont avant tout populaires auprès des électeurs de François Fillon. Le mouvement des 'gilets jaunes' a galvanisé une partie de ces électeurs de droite autour du nouveau parti de l'ordre constitué par Monsieur Castaner et Monsieur Macron", explique-t-il.
"Ce qui va être compliqué, conclut-il, c'est l'issue du grand débat. Il y a cette hypothèse de référendum à plusieurs questions, qui pourrait être simultané avec les européennes. Je crois que c'est une mauvaise idée, car les trois quarts des Français voteront pour une autre liste que la liste En Marche, et ils seront bien tentés de sanctionner le président de la République."