Les salariés grévistes de TotalEnergies ont finalement reconduit vendredi leur mouvement sur l'ensemble des sites du groupe pétrolier, en dépit de la signature d'un accord sur des augmentations salariales conclu dans la nuit avec deux syndicats majoritaires. La grève a été reconduite pour quelques heures voire quelques jours sur les cinq sites du groupe, à la bio-raffinerie de la Mède dans les Bouches-du-Rhône, les raffineries de Feyzin dans le Rhône, de Donges en Loire-Atlantique, de Normandie, la plus importante de France, située près du Havre, ainsi qu'au dépôt de carburant de Flandres dans le Nord.
Certains sites comptent ainsi poursuivre le mouvement jusqu'à faire la jonction avec la journée de "mobilisation et de grève" interprofessionnelle de mardi à laquelle ont appelé la CGT, FO, Solidaires et la FSU. En revanche, la grève a été levée successivement jeudi et vendredi dans les deux seules raffineries du groupe Esso-ExxonMobil en France, à Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône puis à Gravenchon, en Normandie après la conclusion d'un accord salarial mardi.
Les informations à retenir :
- 28,5% des stations-service en manque d'au moins un carburant
- Le tribunal administratif a rejeté le recours en référé de la CGT pour contester les réquisitions chez Esso
- Les syndicats et la direction de TotalEnergies ont trouvé un compromis tard cette nuit
- La CGT a refusé ce compromis et a promis de continuer la grève
- Grève levée dans les deux raffineries d'Esso-ExxonMobil
Raffineries d'Esso-ExxonMobil: retour à la production normale d'ici "deux à trois semaines"
Le retour "à une situation de marche normale" dans les deux raffineries Esso-ExxonMobil, dont la production était perturbée par un mouvement social depuis fin septembre, prendra "deux à trois semaines", a indiqué le groupe vendredi dans un communiqué.
"Les unités des deux raffineries d'Esso Raffinage seront progressivement redémarrées selon les protocoles de sécurité nécessaires et de façon à minimiser les nuisances", ajoute Esso, précisant que les volumes de ventes sur septembre ont baissé "de 25 % par rapport à août".
Rejet d'un recours en référé de la CGT à Lille
Le tribunal administratif de Lille a rejeté vendredi le requête en référé-liberté déposée par la CGT qui contestait la légalité de la réquisition par la préfecture de personnels grévistes du dépôt TotalEnergies de Mardyck, près de Dunkerque dans le Nord. Vendredi matin, un autre tribunal administratif, celui de Rouen, avait déjà rejeté un recours de la CGT contestant les arrêtés préfectoraux de réquisitions de grévistes, cette fois au dépôt de la raffinerie Esso-ExxonMobil de Gravenchon, seul autre site faisant l'objet d'une réquisition en France.
A Lille, le tribunal administratif a jugé qu'"en mettant en place un service visant à assurer, par un nombre restreint mais suffisant de salariés, la seule expédition de carburants, le préfet du Nord n'a pas porté au droit de grève une atteinte grave et manifestement illégale". Face à l'ampleur des problèmes de ravitaillement dans les Hauts-de-France, "seule la réquisition est, en l'espèce, suffisante, dans l'urgence, pour prévenir les risques de pénurie totale de carburant automobile", note le tribunal dans sa décision, consultée par l'AFP.
À Dunkerque, les salariés toujours aussi mobilisés
À Mardyck, près de Dunkerque où Europe 1 s'est rendue, les salariés grévistes sont bien décidés à poursuivre le bras de fer. Le responsable de la CGT local qualifie les négociations de "mascarade". Une position réaffirmée au cours de l'assemblée générale de 14 heures, au cours de laquelle les salariés ont voté la poursuite du mouvement à main levée. "Ils ont tous levé leur main, et ce soir (vendredi), ils lèveront tous leurs mains, et demain (samedi) aussi", prévient Vincent Veisbecker, délégué CGT. "On va durer dans le temps, s'il faut durer, on va durer", appuie-t-il au micro d'Europe 1.
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Toutefois, les quelques salariés de Force ouvrière abandonne ce bras de fer. "On considère que malheureusement, cet accord que l'on déplore rentre dans un cadre légal", c'est pourquoi la poursuite du mouvement "ne mènera à rien", explique Clément Mortier, délégué du syndicat. La CGT est donc désormais seule dans l'action à Dunkerque, alors que les réquisitions permettent depuis jeudi la reprise d'une partie des expéditions de carburant.
Encore près d'un tiers des stations en manque d'un produit
A 13 heures vendredi, après les réquisitions de personnel opérées sur ordre du gouvernement, le nombre de stations-service rencontrant des difficultés d'approvisionnement avait légèrement régressé, à 28,5% contre 29,2% jeudi soir, selon le ministère de la transition énergétique. La situation s'est améliorée dans les Hauts-de-France, région qui fut la plus touchée par les pénuries de carburants, et en Ile-de-France, mais elle reste tendue, toujours selon le ministère, en particulier dans le Centre-Val-de-Loire avec 42,2% des stations-services en difficulté.
Un premier recours contre la réquisition rejeté
Plusieurs recours ont été déposés par la CGT contre les réquisitions de personnel devant les tribunaux administratifs. Celui de Rouen a été rejeté dès vendredi matin et celui de Lille doit se prononcer d'ici à 22 heures.
CFDT et CFE-CGC favorables à la proposition de TotalEnergies
Chez TotalEnergies, à l'issue de négociations nocturnes conviées pour la première fois depuis le début de la grève le 27 septembre sous la pression du gouvernement, le compromis salarial a été signé à la mi-journée par la CFDT et la CFE-CGC, majoritaires. Les deux syndicats se sont déclarés favorables à la proposition de la direction : une augmentation pour 2023 de 7% dès novembre (dont 5% garantie pour les non-cadres) et 3.000 à 6.000 euros de prime.
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La CGT réclame pour sa part une hausse de 10%, correspondant à "l'inflation, plus le partage des richesses, puisque Total se porte bien et que les actionnaires ont été servis depuis longtemps", a rappelé sur France Info vendredi Philippe Martinez, le numéro un du syndicat.
L'accord "ne changera rien à la détermination des grévistes"
Emmanuel Macron avait assuré mercredi soir que le retour à la normale interviendrait "dans le courant de la semaine" prochaine. L'accord "ne changera rien à l'état d'esprit et à la détermination des grévistes", a cependant prévenu Alexis Antonioli, secrétaire général CGT de la plateforme TotalEnergies Normandie, espérant désormais "la généralisation du mouvement". Au risque de susciter un mécontentement grandissant dans la population : seule une minorité de Français (37%) soutient le conflit social, selon un sondage BVA publié vendredi.
Appels à la "grève générale" mardi
Dans la perspective de la journée de grève interprofessionnelle de mardi, des appels à la "grève générale" ont été lancés, notamment dans les transports (SNCF, RATP, dockers) et dans la fonction publique. Des partis de gauche, des ONG et syndicats vont aussi défiler dès dimanche à Paris, à l'appel de Jean-Luc Mélenchon et de la Nupes, contre "la vie chère et l'inaction climatique", avec l'espoir d'ouvrir un nouveau front contre le gouvernement.
La France est "une véritable bouilloire" avec une "colère sociale profondément ancrée", a commenté auprès de l'AFP Guy Groux, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
Les agriculteurs à la peine
Outre les automobilistes, et tout particulièrement les professionnels de santé, qui continuaient vendredi leur quête de carburant, de nombreux agriculteurs redoutent désormais de ne pas être en mesure de réaliser leurs semis de céréales d'hiver à temps, faute de carburant, surtout dans le nord de la France.
"On a de la tension dans les Hauts-de-France, en Ile-de-France, dans le Centre-Val de Loire et dans le Grand-Est", une "zone de récolte de la betterave et de la pomme de terre", a expliqué à l'AFP Joël Limouzin, vice-président du syndicat agricole majoritaire FNSEA. Le président des artisans du bâtiment (CAPEB) Jean-Christophe Repon, a demandé quant à lui au gouvernement la possibilité de recourir à des "mesures d'activité partielle" dans les régions les plus touchées.