Guyane : qui sont les "500 frères" au coeur de la contestation ?

500 frères, Guyane, 25 mars crédit : JODY AMIET / AFP - 1280
"L'uniforme" des "500 frères" est toujours le même : vêtement noirs et cagoule pour conserver leur anonymat © JODY AMIET / AFP
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M.R.
Ils portent cagoules et tee-shirts noirs et ont déjà plusieurs coups d'éclat à leur actif. Qui sont ces "500 frères contre la délinquance" qui veulent ramener l'ordre en Guyane ?

L'image est impressionnante : plusieurs dizaines d'hommes habillés de noir et encagoulés viennent s'entretenir avec le chef de la délégation interministérielle, Jean-François Cordet. Ces hommes sont les "500 frères contre la délinquance". Europe1.fr détaille l'origine de ce mouvement et les motivations de ces "hommes en noir". 

  • Quel a été l'événement déclencheur de ce mouvement ?

Le 11 février dernier, un homme de 30 ans se fait tuer de deux balles dans une laverie de son quartier de Cayenne. Des discussions entre "grands frères" de quartiers différents s'enclenchent alors et le mouvement des "500 frères", lassé de cet excès de violence, de se mobiliser contre le fléau de la délinquance en Guyane (voir encadré). "500, parce qu'en pratiquant le bouche-à-oreille, on s'est aperçu qu'on était beaucoup", explique à Vice News le porte-parole du mouvement Mickaël Mancée. "Frères, parce que la Guyane est notre mère."

  • Qui trouve-t-on au sein de ces "500 frères" ?

Avec leurs cagoules, leurs tee-shirts noirs et leurs actions spectaculaires, ce mouvement des "500 frères" a été qualifié de milice. Une accusation rejetée par Zadkiel Saint-Orice, autre porte-parole du mouvement qui assure au journal Le Monde que le mouvement est non violent. "Nous ne sommes pas une milice, nous manifestons sans arme, avec comme seul accessoire notre cagoule". S'ils voulaient constituer une force de l'ordre parallèle, ils agiraient dans l'ombre et avec des armes, précisent-ils.

"On est simplement des jeunes Guyanais responsables, des pères de famille, des fils, des frères, ce que vous voulez, qui avons pris l'initiative de prendre des risques, parce que c'est risqué", déclare Mickaël Mancée à France 3. Lui a été poilicier. "J'ai été policier parce que c'est la seule option que l'État nous donne pour faire en sorte que nos rues soient plus sûres. Après onze ans de carrière, j'ai fait plusieurs services, je me suis formé, j'ai été officier de police judiciaire… De l'intérieur, j'ai compris pourquoi ça ne marche pas. Ce n'est pas un problème local, c'est un problème national", affirme-t-il au micro d'Europe 1 lundi. En réalité, le collectif compterait une centaine de membres actifs issus de tous les corps de métier (artisans, pêcheurs, employés administratifs…).

  • Quelles sont leurs revendications ?

Le collectif réclame que priorité soit donnée la destruction des squats et à la lutte contre le trafic de drogue. Il demande également à ce que l'état d'urgence soit appliqué à la Guyane et que "les moyens matériels et humains de la police" soient augmentés. Les "500 frères" demandent à ce qu'une "véritable politique de lutte contre le trafic d'armes" soit mise en place et que des "grands frères" soient déployés dans tous les quartiers de Guyane. Dans une liste de propositions publiée sur le site France-Guyane, les "500 frères", associés au collectif "Trop Violans", demandent aussi de nouvelles infrastructures : la construction d'un nouveau commissariat (ou d'une annexe) pour la commune de Saint-Laurent - la deuxième ville la plus peuplée de Guyane avec Cayenne - ainsi que celle d'un tribunal et d'une nouvelle prison.

"La moitié des détenus incarcérés sont de nationalité étrangère, il faut engager des négociations avec nos partenaires pour que ces personnes soient incarcérées dans leur pays", avait reconnu le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas lors d'une séance de questions au gouvernement en 2016. Ces étrangers viennent principalement du Brésil et du Surinam. Les "500 frères" militent également pour la mise en place d'une immigration contrôlée. "Si un étranger commet un crime, il saute dans le fleuve et on ne le revoit plus", s'indigne Mickaël Mancée auprès de Vice News. "Mais on ne veut stigmatiser personne : la Guyane est un melting pot, et notre mouvement regroupe toutes les nationalités".

  • Quelles sont leurs actions ?

Le 22 février dernier, les "500 frères" et le collectif "Trop Violans" ont défié les délinquants en défilant dans les rues de Cayenne. En scandant des slogans contre la violence, les quelques 600 participants ont fait des arrêts symboliques devant le commissariat et le palais de justice avant de se rendre la préfecture où ils ont été reçus par le Préfet et le procureur de la République, rapporte Guyane 1er. Cette première action leur a permis d'obtenir que la présence de l'escadron de gendarmerie mobile venu en renfort au mois de novembre 2016 soit prolongée.

Mais c'est leur irruption aux portes de la Collectivité territoriale de Guyane (plus haute instance locale) en scandant "Nou bon ké sa" ("On en a marre de ça") le 17 mars dernier qui a eu le plus de retentissement. Une quarantaine de membres du collectif est parvenue jusqu'à l'auditorium où se tenait la Convention de Carthagène et a interpellé la présidente de la réunion qui rassemblait 25 délégations, la ministre de l'Écologie, Ségolène Royal. "Pour se faire entendre, on est obligés d'arriver à des extrêmes", "On n'est pas des méchants", pouvait-on entendre dans un reportage de la télévision locale. 

Le soir même de cette opération coup de poing, la ministre a annoncé qu'elle quittait la Guyane, et non le lendemain, comme c'était initialement prévu…

  • Bénéficient-ils du soutien de la population ?

Cela reste difficile à dire. Leur présence sur le marché de Cayenne à la mi-mars, "prêts à intervenir", leur a valu des félicitations. Mais les pressions, parfois vives, mises sur les institutions irrient aussi. La journée de lundi, où doit débuter une grève générale, pourrait être décisive pour les "500 frères" et donner un meilleur aperçu de l'écho de leurs actions et de leurs revendications au sein de la population guyanaise. 

Le département le plus meurtrier de France. Avec 42 homicides commis en 2016 pour une population de 252.000 habitants, la Guyane a été le département le plus meurtrier de France. En cause, le trafic de drogue et la relative facilité avec laquelle on peut acheter des armes à feu, car il n'existe pas de permis de chasse. Il suffit de présenter une pièce d'identité pour acheter une arme, sans plus de contraintes. En 2016, 60% des meurtres commis en Guyane l'ont été par arme à feu. Et en seulement quatre semaines, entre février et mars, quatre meurtres ont été commis dans la région.