"Madame la ministre de l'Outre-mer, le peuple guyanais vous demande de vous excuser". C'est dans une ambiance lourde que les négociations entre un collectif de Guyanais et les ministres de l'Outre-mer, Ericka Bareigts et de l'Intérieur, Matthias Fekl, qui visent à sortir la Guyane de plus de dix jours de conflit social, ont repris jeudi dans la préfecture de Cayenne
Pardonner les "bêtises", pas le "mépris". "Nous pouvons pardonner les bêtises mais pas le mépris", a lancé lors d'une prise de parole initiale Gaelle Lapompe Paironne, membre de la délégation d'une cinquantaine de Guyanais reçus par les deux ministres. "Les maux, la souffrance de la population guyanaise, ne sont pas vains. Ils reflètent notre réalité, celle que vous ne voulez pas voir, celle que nous ne voulez pas entendre, celle que vous ne voulez pas comprendre", a tonné cette militante qui reproche notamment à Ericka Bareigts d'avoir tardé à venir en Guyane, malgré l'importance du mouvement social.
"Nous sommes abandonnés par la France". "Nous nous faisons le devoir de vous imposer une évidence : nous sommes abandonnés par la France", a lancé un membre du collectif des Iguanes de l'ouest, créé initialement pour dénoncer des problèmes d'électricité en Guyane. "Il n'est pas concevable que la Guyane constate un retard structurel de plus de trente ans", a-t-il insisté, trouvant par ailleurs "dommage" pour les Guyanais d'avoir été obligés de "négocier pour discuter avec leur gouvernement".
Le rattrapage de l'État en question. "Nous devons absolument être dans le rattrapage, sur l'électricité, sur le logement, sur l'éducation, sur la jeunesse", a répondu la ministre de l'Outre-mer qui a remercié les participants pour leur "pugnacité" mais a refusé de s'excuser. "Nous voulons continuer ce travail avec vous (...), signer ces mesures, pour qu'aucune élection n'arrête la progression dans laquelle nous sommes" pour la Guyane, a-t-elle affirmé. "Il nous tient à cœur de construire les bonnes solutions pour avancer", a plus sobrement observé le ministre de l'Intérieur Matthias Fekl.
Négociations. La journée de négociations avait démarré dans une ambiance électrique et sous une pluie battante, avec une heure trente de retard, le collectif des "500 frères", soutenu par des centaines de manifestants, exigeant le retrait du dispositif de sécurité érigé face à la préfecture comme préalable à toute discussion.
Après plus d'une heure de négociations, les manifestants avaient obtenu gain de cause et une vingtaine de représentants du collectif organisant le mouvement social étaient entrés vers 10h30 dans la préfecture, avant d'en ressortir une demi-heure plus tard, s'indignant que les médias n'aient pas été conviés aux discussions. La Guyane connaît depuis une dizaine de jours un mouvement de contestation d'une ampleur historique, sur fond de revendications sécuritaires, économiques et sociales.