"Outrés". C'est le sentiment qui s'est emparé des parents du jeune Nicolas, 15 ans, à la lecture du courrier qui leur a été transmis en provenance du rectorat de Versailles. Alors que ces derniers souhaitaient dénoncer le harcèlement scolaire que subissait leur fils au collège, l'entité administrative s'est fendue d'une missive aux allures de missile, qualifiant d'"inacceptable" les propos des parents qui remettaient en cause l'attitude du personnel enseignant et rappelant les risques pénaux d'une dénonciation calomnieuse et n'hésitant pas à parler d'un "supposé harcèlement". Quelques semaines plus tard, l'adolescent mettait fin à ses jours par pendaison.
Gabriel Attal, le ministre de l'Éducation nationale, n'a pas tardé à réagir. Après avoir évoqué un "courrier de la honte", il a réuni, en urgence ce lundi après-midi, les 18 recteurs d'académie par visioconférence. Il a promis un "électrochoc à tous les niveaux" dans la lutte contre le harcèlement scolaire. "Mon rôle, votre rôle, n’est pas de protéger une Institution à tout prix, mais de protéger à tout prix nos élèves, nos enfants", a-t-il déclaré, selon des propos rapportés par son entourage.
Un audit lancé dans chaque académie
Un audit sur la gestion des cas de harcèlement de septembre 2022 à septembre 2023 sera lancé dans chaque académie. Les conclusions sont attendues dans quatre semaines. Les résultats de la lutte contre le harcèlement menée par les rectorats seront évalués chaque année. Des moyens humains seront dégagés. Gabriel Attal leur a été demandé de fouiller dans tous les courriers échangés avec les parents d'élèves et les chefs d'établissement afin de vérifier si des cas de harcèlement scolaire ont été mentionnés. Le cas échéant, le ministre demandera un suivi de très près de la situation pour qu'aucune de ces situations ne passe sous les radars et que les familles se sentent accompagnées.
"Tout cela résulte quand même d'un manque de formation du personnel. Il faut accompagner les familles dans une relation d'alliance. Les familles ont besoin de sentir qu'elles sont alliées de l'école. Elles veulent être prises au sérieux", a déclaré Marie Quartier, co-fondatrice de l'association Résiste qui forme le personnel à lutter contre le harcèlement.
Jérémy, chauffeur-livreur près de Tours, a témoigné au micro d'Europe 1 sur le harcèlement de sa fille de 10 ans. "Avec sa maman, on a contacté le recteur, ce dernier nous a répondu qu'il ne pouvait rien faire et qu'il fallait voir le directeur. Ce dernier nous a dit que ce sont des enfants et qu'ils jouent. Mais je suis désolé, on traite ma fille de mongol et ça ne passe pas", a rapporté le père de famille.
Des nombreuses questions sans réponse
Dans l'entourage de Gabriel Attal, on évoque un changement de culture à insuffler, un changement de culture dans l'administration pour remettre de l'humain. Mais de nombreuses questions se posent : les rectorats disposent-ils d'effectifs suffisamment pléthoriques pour effectuer un tel travail de fourmi dans les grandes académies ? Quelles actions les recteurs peuvent-ils engager pour mettre un terme à ces situations ? Certains n'ont pas nécessairement d'appréciation très locale de ce qui se déroule.
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Enfin, une ultime interrogation porte sur la capacité des rectorats à aider les chefs d'établissement à prendre des sanctions adaptées ou juger si celles-ci ne sont pas assez fortes.