C'est un secteur qui a du mal à s'adapter au confinement contre le coronavirus. Le suivi des malades en psychiatrie est mis à rude épreuve avec les restrictions de déplacements : les traitements sont bouleversés, tout comme les possibilités d'accompagnement de ces malades. Pour les 420.000 personnes hospitalisées et les deux millions suivies en ambulatoire, cette situation risque d'accroître leurs troubles.
"C'est extrêmement dur pour eux"
"En ce moment, on fait de l'anti-psychiatrie covidienne. On a arrêté tout ce qui fait le soin psychique", lâche passablement énervé Mathieu Bellahsen au micro d'Europe 1. Ce psychiatre est témoin depuis le début du confinement d'une agitation qui monte dans son unité d'Asnières-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine. "Tous nos outils de traitement de l’ambiance, prendre le temps avec un patient, s’asseoir avec lui, faire un jeu... tout cela a disparu", affirme-t-il. "On a remis des blouses, des masques, ça crée une distance et c'est extrêmement dur pour eux. On les enferme de plus en plus, les introvertis ou les phobiques le sont de plus en plus."
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Pour tenter de calmer les esprits, faute de pouvoir sortir, les patients ont désormais le droit de fumer dans leur chambre. Mais c'est un tout autre défi qui se pose pour les patients suivis depuis chez eux. Les consultations se font désormais par téléphone, ce qui est loin d'être sans conséquence. "Habituellement, on voit une expression du visage, une attitude, le corps qui se déploie ou se rétrécit, mais là rien", explique de son côté le docteur Delphine Glachant, psychiatre dans un établissement du Val-de-Marne. "Il ne faudra peut-être pas repartir de zéro, je l'espère, mais bien loin en arrière."
Le risque de se retrouver démuni avec une personne qui souffre de troubles
Se retrouver complètement seule et démunie avec une personne atteinte de troubles, Audrey en connaît bien les difficultés. Avec le confinement, cette mère d'un homme schizophrène de 27 ans a été coupée de toute aide médicale pendant de longs jours. "C'est quelqu'un d'extrêmement anxieux et là, de ne pas pouvoir sortir ou courir comme il voulait, d'avoir des papiers sur lui... ce sont pleins d'éléments nouveaux qui l'ont perturbé", témoigne-t-elle au micro d'Europe 1. Un état qui s'est manifesté "par une agressivité et un besoin de consommer de l'alcool".
Face aux montées de violence de son fils, elle a dû elle-même passer des journées recluse dans sa chambre, fermée à clé, pour se protéger. L’état psychique de son fils s’est ensuite aggravé : "il est devenu suicidaire, et j’ai dû le faire hospitaliser".
Pour éviter d'autres situation comme celle d'Audrey, une plateforme a depuis été mise en place, "Psy Île-de-France", que l'on peut joindre au 01.48.00.48.00 gratuitement tous les jours entre 13 heures et 21 heures. Une initiative saluée par cette dernière, qui "s'est sentie très seule la semaine dernière".