D'un appel improvisé il y a 35 ans est née la grande aventure des Restos du coeur. Nous sommes sur Europe 1, ce 26 septembre 1985 quand Coluche, l'animateur de l'émission "Y en aura pour tout le monde" se lance dans une tirade improvisée. "Si, des fois, il y a des marques qui m'entendent, s'il y a des gens qui sont intéressés pour sponsoriser une cantine gratuite qu'on pourrait commencer à faire à Paris et puis qu'on étalerait après dans les grandes villes de France, nous on est prêts à aider une entreprise comme ça, qui ferait un resto qui aurait comme ambition au départ de faire 2.000 ou 3.000 repas par jour gratuitement".
"Je lance l'idée comme ça..."
"On est prêts à recevoir les dons de toute la France. Quand il y a des excédents de bouffe et qu'on les détruit pour maintenir les prix sur le marché, nous on pourrait peut-être les récupérer. On essaiera un jour de faire une grande cantine, peut-être cet hiver, gratos. Je lance l'idée comme ça. S'il y en a qui nous écoutent et que ça intéresse ils nous écrivent", poursuit Coluche sur l'antenne d'Europe 1.
Et rien n'était vraiment prévu, avait rappelé fin 2017 sur notre antenne Philippe Gildas, grand ami de l'humoriste. "Coluche ne partait pas avec l'idée exacte des Restos, il faut rendre justice à ceux qui l'ont eu, mais que l'on ne connaît pas : ce sont les gens, les auditeurs d'Europe 1 de l'époque, qui n'arrêtaient pas de dire qu'il fallait faire quelque chose", se souvenait à l'époque l'ancien directeur de la station, mort en octobre 2018.
"Coluche s'est révélé d'une grande générosité et d'une charité incroyable"
Laurent Cabrol abonde. "Ça a été carrément improvisé. D'un seul coup, ça a traversé l'esprit de l'équipe de Coluche. Ils ont dit : 'tiens, regarde tous ces invendus ! Il faudrait en faire quelque chose'", se souvient le célèbre présentateur météo, voisin de bureau de Coluche à l'époque.
"Au même moment, il y avait une énorme campagne pour l’Ethiopie. On avait des appels en permanence, y compris sur Europe 1, pour dire qu’il y avait des problèmes alimentaires également en France", ajoute Philippe Gildas. "Dans cette affaire, Coluche s'est révélé comme une grande personne, d'une grande générosité et d'une charité incroyable, qui faisait que de toute façon il n'écoutait même pas les critiques. On n'a pas idée de tout ce qu'il a obtenu personnellement de l'Europe, à Bruxelles", expliquait le journaliste. "Sa force, c’est qu’il était d’un entêtement incroyable".
Inauguration à Gennevilliers, Goldman appelé pour écrire la chanson
L'appel est immédiatement entendu. En décembre 1985, TF1 diffuse ainsi en direct une émission spéciale réunissant des artistes, des hommes politiques et des sportifs : les premiers Restos du Cœur voient le jour. Dès la première campagne de l’association, qui s’achève au printemps 1986, 5.000 bénévoles distribuent pas moins de 8,5 millions de repas. A la demande de Coluche, Jean-Jacques Goldman écrit en express la Chanson des Restos, interprétée au départ par Yves Montand, Michel Drucker ou Nathalie Baye, puis reprise par des dizaines d’artistes au fil des années.
L'inauguration des Restos s'est faite à Gennevilliers, en banlieue parisienne "car Jacques Chirac (alors maire de la capitale) avait dit non pour Paris. Ce n'était pas une route tranquille, il ne faut pas croire !", se remémore Laurent Cabrol. "Coluche est venu me prendre à 7 heures du matin dans sa voiture rose bonbon. Il m'a dit : 'viens avec moi, l'enfoiré, on va à Gennevilliers !' Au milieu du chemin, on s'arrête dans un Prisunic. Il rafle tous les trucs pour les mômes, des cageots entiers. Il met tout dans la voiture. On arrive là-bas, on voit une tente militaire, au milieu d'un terrain vague, sous la pluie. Il y avait une caméra. On dit à Michel [Coluche, ndlr] : 'porte la cagette sur l'épaule, on va te filmer'. Il a distribué les gâteaux et les jouets, ça a duré une demi-heure. C'était le premier Resto du cœur."