L'action d'ONG et de collectivités, dont Paris et New York, qui demandaient à la justice de contraindre TotalEnergies à aligner sa stratégie climatique sur l'accord de Paris, a été jugée irrecevable par le tribunal de Paris, selon la décision consultée jeudi par l'AFP. Le tribunal estime que cette coalition n'a pas respecté les exigences de la phase de négociations que la loi impose avant de pouvoir saisir la justice contre une grande entreprise française qui ne respecterait pas son "devoir de vigilance" sur les risques humains et environnementaux de ses activités.
"Pas concevable de saisir le tribunal"
Point de départ procédural de l'affaire, "la mise en demeure délivrée le 19 juin 2019 à la société TotalEnergies ne constitue pas une interpellation suffisante et ne pouvait servir de base à une négociation utile avant la délivrance de l'assignation" devant le tribunal, écrit le juge. Selon la loi, cette mise en demeure ouvre un délai de trois mois à l'entreprise pour répondre et le cas échéant se mettre en conformité avant toute action en justice contre elle.
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Pour le magistrat, "il n'est pas concevable de saisir le tribunal afin d'obtenir un plan", censé fixé la stratégie du groupe pour prévenir les risques climatiques de ses activités, "comportant des objectifs chiffrés qui ne figurent pas dans la mise en demeure et n'ont donc pas pu être discutés au préalable". "Cette décision préoccupante vient restreindre l'accès à la justice pour les associations et les victimes, dans les contentieux fondés sur le devoir de vigilance", a déploré la coalition de 6 associations et 16 collectivités, menée par Sherpa et Notre Affaire à tous.
Les ONG veulent obtenir un équivalent français de la condamnation de Shell
"Sur une question procédurale controversée, on retarde une nouvelle fois l'examen du fond du dossier, alors que TotalEnergies ne prend toujours pas les mesures nécessaires pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre", a-t-on ajouté, sans préciser encore si la coalition ferait appel de cette décision. En ligne de mire, les ONG espèrent obtenir un jour un équivalent français de la condamnation de Shell en 2021 aux Pays-Bas, quand un tribunal avait exigé du groupe une accélération de son plan de réduction d'émissions de gaz à effet de serre.
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L'interprétation jeudi du juge français conforte la décision prise le 28 février par d'autres magistrats du tribunal de Paris dans une première affaire opposant TotalEnergies à des associations : les juges avaient déclaré irrecevables les demandes des opposants au mégaprojet pétrolier controversé du groupe en Ouganda et en Tanzanie pour des motifs similaires