Incendies en Australie : "C'est une immense hécatombe", déplore le président du muséum d'histoire naturelle de Paris

Des kangourous fuient un incendie près de Cooma en Australie le 4 janvier 2020 SAEED KHAN / AFP 3:01
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Séverine Mermilliod , modifié à
Depuis quatre mois, l'Australie lutte contre les pires incendies de son histoire avec près de 55.000 km2 de terrains partis en fumée. Une "hécatombe" pour les koalas et l'ensemble de la biodiversité du pays selon Bruno David, président du muséum d'histoire naturelle de Paris, invité samedi soir sur Europe 1.
INTERVIEW

Depuis quatre mois, l'Australie lutte contre les pires feux de forêt de son histoire. Près de 55.000 km2 de terrains sont partis en fumée et le gouvernement australien a appelé ce samedi 3.000 militaires réservistes à se déployer pour faire face. Un désastre pour les populations, mais aussi pour l'environnement et la faune. Selon Bruno David, président du muséum d'histoire naturelle de Paris, c'est même une "hécatombe" pour les koalas et l'ensemble de la biodiversité du pays.

"C'est dramatique à plusieurs titres. Ce sont des incendies qui sont complètement étonnants par leur ampleur. On parle de la surface de la Belgique !", s'alarme le naturaliste, invité samedi soir sur Europe 1. "C'est monstrueux, c'est gigantesque. Cela veut dire aussi des températures très élevées. Il y a des facteurs de sécheresse liés au réchauffement climatique, qui ont rendu le pays beaucoup plus vulnérable, avec les conséquences que l'on connait pour les populations humaines et la biodiversité."

Un bilan provisoire d’écologues de l’université de Sydney estime en effet qu'au moins 500 millions d'animaux auraient péri dans les flammes. Avec parmi les plus touchés, les koalas qui vivent essentiellement dans les eucalyptus, extrêmement inflammables.

Les koalas en danger

"Je ne pense pas que ça aille jusqu'à l'extinction de l'espèce, c'est plutôt une immense hécatombe. Mais une hécatombe d'une telle ampleur, pour une espèce qui est endémique de l'Australie, que ça pose des problèmes", déplore Bruno David. "Bien sûr, les animaux ont tendance à fuir les incendies quand ils le peuvent. Mais sur des surfaces aussi grandes ce n'est pas évident, et il y a des animaux qui sont beaucoup plus lents comme les koalas qui ne peuvent pas s'enfuir et qui meurent sur place".

Quelque 8.000 koalas auraient déjà péri et la ministre de l'environnement australienne considère qu'un tiers aurait disparu. "Ce qui peut aussi être altéré", précise le président du muséum d'histoire naturelle, "c'est la diversité génétique de cette espèce. Car ces incendies couvrent une grande surface où il pouvait y avoir une sous-population de koalas avec un certain patrimoine génétique. Ceux qui vont survivre dans d'autres régions n'auront peut-être pas cette partie du patrimoine génétique de l'espèce. Donc l'espèce est vraiment mise en danger, alors qu'elle ne l'était pas auparavant."

De plus, selon lui, c'est tout l'écosystème qui est touché car "il y a toute la faune du sol, la micro biodiversité qu'on a tendance a oublier mais qui est très importante dans les écosystèmes et qui est aussi détruite. Si la température dépasse un certain seuil, cela peut nuire gravement à la biodiversité des sols."

La nature pourra-t-elle s'en remettre ?

Qu’espérer alors quand les incendies auront cessé ? La nature peut-elle se remettre d'un tel désastre environnemental ? "La nature se régénère toujours - le problème c'est qu'il ne faudrait pas qu'il y ait un nouvel incendie dans un an à ces mêmes endroits",  juge le naturaliste. Pour d'autres incendies, certes pas d'une telle ampleur, des études ont été faites sur les lichens, les arbres, et "les populations d'oiseaux reviennent", précise Bruno David, qui reste pessimiste dans le cas de l'Australie du fait de l'ampleur des incendies.

D'autant que l'Australie a pour particularité d'être une île isolée, avec "des faunes endémiques, c'est-à-dire qui n'existent qu'à cet endroit là, comme le koala, les kangourous.... S'ils disparaissent de cet endroit-là, il n'y en a plus ailleurs. Ce qui induit une fragilité supplémentaire de l'ensemble des écosystèmes australiens".

Pour Bruno David, il s'agit donc de changer de modèle, malgré l'échec de la COP 25. "Cela ne se fera pas d'un coup car nos sociétés ne sont pas prêtes à ça, mais on voit bien que les exemples se multiplient - que ce soient des tornades, des cyclones, des inondations, ici des incendies... On ne peut pas continuer de cette manière-là."