Chaque année, en France, 160.000 enfants sont victimes de violences sexuelles, soit un enfant toutes les trois minutes. "Vous ne serez plus jamais seuls", leur avait dit Emmanuel Macron en janvier 2021, avant de créer la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles, la Ciivise. Après avoir analysé 27.000 témoignages pendant plus de deux ans, cette commission composée d’experts publie ce vendredi son rapport final.
Une plainte sur dix aboutit sur une condamnation
Parmi ses recommandations pour mieux repérer, traiter, et réparer ces violences, la Ciivise préconise de "déclarer imprescriptibles les viols et agressions sexuelles commis contre les enfants". Car, selon le rapport, "une plainte sur 10 aboutit sur une condamnation, en cas d’inceste". Un vieux débat juridique, qui ressurgit, cette fois-ci nourrie par les récits chocs des victimes d’inceste, dont la parole s’est libérée ces dernières années. Car pour les trois quarts des victimes écoutées par la Ciivise, les faits sont prescrits. Elles avaient en moyenne 8 ans au début des violences, dont 80% ont été commises par un membre de la famille.
"Nous savons que les violences sexuelles faites aux enfants, et notamment l'inceste, font l'objet d'un déni massif qui enferme très longtemps les victimes dans le silence. Dans l'idée même de la prescription, il y a toujours l'idée qu'il aurait fallu agir plus tôt. Or, on ne peut pas opposer ça aux victimes de violences sexuelles", souligne Edouard Durand, juge et co-président de la Ciivise. Mais au regard du droit français, l'imprescriptibilité ne peut fonctionner, selon une mission menée en 2017 par l’animatrice Flavie Flament et le magistrat Jacques Calmettes.
"Cette mesure, l'imprescriptibilité, n'a été retenue dans notre droit positif que pour les crimes contre l'humanité. Affecter ce type de mesure à une infraction de droit commun, qu'est un crime commis contre un mineur, ne suffit pas à le remettre à égalité de gravité avec le crime contre l'humanité", note le magistrat au micro d'Europe 1. Les faits sont aussi très difficiles à prouver, plus le temps passe. Actuellement, pour des crimes sexuels commis sur mineurs, le délai de prescription est de 30 ans à compter de la majorité de la victime.