Festivité et sécurité. C’est la difficile équation que devront résoudre mercredi soir les préfets et directeurs départementaux de la sécurité publique aux quatre coins du territoire. A près d’un an et demi des Jeux Olympiques 2024, la gestion de cet événement est un baromètre pour la Place Beauvau, où le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est lui aussi attendu au tournant.
Equation difficile d’autant que les prévisions des services de renseignement sont incertaines. Impossible de prévoir précisément le nombre de supporters français ou marocains qui descendront dans les rues mercredi soir et se rassembleront sur les places des grandes villes pour célébrer la qualification de leur équipe aux portes de la Coupe du monde de football.
Moins de monde en cas de défaite de la France
Dans une note datée de ce lundi, qu’Europe 1 a pu consulter, le renseignement intérieur se risque toutefois à dresser la physionomie de la soirée : "Quel que soit le résultat, les supporters de l’équipe du Maroc descendront en nombre pour fêter la victoire ou le parcours historique de cette équipe. En ce qui concerne les supporters français, les démonstrations seront moindres en cas de défaite de l’équipe tricolore."
Le "parcours inédit [du Maroc] suscite une ferveur sans précédent", relèvent les rédacteurs de cette note. Cette équipe est devenue un "symbole du panarabisme", poursuivent-ils, arguant que "les supporters issus des quartiers populaires se portent désormais principalement sur les exploits de l’équipe marocaine, certains faisant preuve de communautarisme mettant en avant la solidarité entre les peuples musulmans pour la dernière équipe les représentant."
Ainsi, "si le Maroc gagne, les débordements pourraient s’intensifier et s’étendre à d’autres secteurs à fortes représentation algérienne ou tunisienne, notamment dans des quartiers sensibles qui n’ont pas été concernés lors du précédent match", prévoient les analystes, notamment les villes de Lyon, Toulouse, Strasbourg, Lille, Roubaix, Tourcoing, les grandes agglomérations de l’arc méditerranéen ou encore la grande couronne parisienne.
Délinquance d’opportunité
Si les "membres de la communauté marocaine" se sont rarement illustrés dans des épisodes de violences urbaines en marge de grande compétition de football, soulignent les services, certains fauteurs de troubles n’ont pas hésité lors des derniers matches de leur équipe à occuper en masse la voie publique, à créer des cortèges de voitures ou encore à tirer au mortier d’artifice à proximité des foules et des familles. Ainsi, un enfant de 7 ans a été blessé à l’œil dans l’Ain après des débordements.
Particularité de ces heurts, ils s’accompagnent désormais systématiquement d’une délinquance d’opportunité. Aux scènes de liesse, viendront aussi se greffer des voleurs d’habitude qui sèmeront la pagaille en provoquant des violences urbaines. "Si la majorité des personnes se rassembleront dans un esprit festif, les fauteur de troubles sauront profiter de ces gros rassemblements pour provoquer du désordre", poursuit cette note.
La réaction de l’ultra-droite inconnue
La présence de l’ultra-droite dans la rue pourrait ajouter de la pagaille. Car sur les réseaux sociaux, plusieurs comptes publics et affiliés à cette frange idéologique ont évoqué "un affrontement avant tout civilisationnel entre les deux nations". Ainsi, à Strasbourg, selon nos informations, plusieurs dizaines de membres des "Strasbourg Offender", un groupuscule hooligan composé de néo-nazis, identitaires et ultra-nationalistes, auraient prévus de descendre dans la rue du centre-ville après le match pour y "patrouiller" et rétablir un ordre qu’ils estiment mal tenu par des forces de sécurité intérieure. "Il n’est pas exclu que des incidents éclatent", alerte une source sécuritaire.
Par ailleurs, en Corse, les policiers ont reçu un certain nombre de témoignages laissant penser que de jeunes insulaires avaient agressé à plusieurs reprises les supporters marocains descendus en nombre pour fêter la victoire de leur équipe. Comme le 10 décembre dernier, lorsqu’une dizaine de jeunes nationalistes – blouson/capuche – ont donné des coups de pied dans des véhicules, cassant des rétroviseurs et scandant des propos xénophobes tels que "Arabi Fora" - "arabes dehors".
S’il est impossible de prévoir exactement où et quand les épisodes de violences urbaines éclateront mercredi soir, ni quel cliché retiendra l’attention médiatique, le gouvernement redoute surtout l’image d’une soirée brouillonne où les résultats sportifs et festifs seraient écrasés par une nouvelle polémique sur un défaut de sécurité ou un manque d’anticipation. Plus de 10.000 policiers et gendarmes seront déployés partout en France, dont 5.000 en Ile-de-France et 2.200 rien qu’à Paris.