L'attaque avait fait cinq morts, dont un Français. Le procès de l'attentat qui a visé le restaurant La Terrasse, à Bamako, en mars 2015, doit s'ouvrir au Mali, mardi. Mais, selon les informations d'Europe 1 et du Parisien, l'audience pourrait ne pas apporter les réponses attendues : l'auteur présumé, le Mauritanien Fawaz Ould Ahmeida, ferait partie des 200 djihadistes relâchés en échange de la récente libération de quatre otages, dont la Française Sophie Pétronin et le leader de l'opposition malienne, Soumaïla Cissé.
"Le silence des autorités françaises est inquiétant"
Fawaz Ould Ahmeida, "Ibrahim 10", de son nom de guerre, est également soupçonné d'avoir planifié deux attaques commises en août et en novembre 2015, dans un hôtel de Sévaré et à l'hôtel Radisson Blu de Bamako, qui avaient fait 33 victimes à eux deux. Le terroriste aurait été libéré en toute discrétion et sous une fausse identité, à quelques jours seulement du début du procès de l'attentat de La Terrasse.
Depuis, la famille de Fabien Guyomard, seule victime française de l’attaque du restaurant de Bamako, ainsi que la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac), qui l'accompagne, font face à un silence gêné des autorités sur les conditions de la tenue de ce procès. "On ne sait pas trop dans quel cadre s'est fait cet échange, mais l'opacité autour de tout cela empêche qu'on ait des certitudes", explique au micro d'Europe 1 Sophia Secco, directrice générale de l'association. "Le silence des autorités françaises est inquiétant."
"C'est exceptionnel, que l'on ait un auteur en face de nous"
"Si on a accepté de le libérer, on a envoyé à la population française et aux ressortissants français qui voyagent encore aujourd’hui en Afrique le message que la justice et l’État français ne sont pas en mesure de préserver leur droit à accéder à la manifestation de la vérité et à obtenir justice", estime la responsable de la Fenvac. "Et c’est particulièrement grave, sachant que c’est exceptionnel, que l’on ait un auteur en face de nous : on l’a dans peu d’affaires de terrorisme. On n’a pas les trois terroristes auteurs directs des tueries dans le procès des attentats de janvier 2015, on aura Salah Abdeslam pour le 13-Novembre, mais c’est rare.
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Et Sophia Secco de souligner le "risque" que ces libérations pourraient aussi constituer pour "la stabilité des ces zones et la potentielle répétition d’actes terroristes qui impliqueraient des Français et d’autres nationalités à l’avenir".
Paris souligne sa "détermination" à lutter contre les djihadistes
À Paris, tout est pourtant prévu pour une retransmission des audiences, sous réserve du feu vert malien. Une organisation dont la Fenvac et la famille de Fabien Guyomard se félicitent : ses proches ont d'ailleurs prévu de venir de Bretagne pour y assister. Mais aucune autorité ne veut s'avancer à confirmer l'absence du principal accusé.
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En France, on tourne le regard vers le Mali : une source diplomatique indique ainsi que cette négociation a relevé de la seule responsabilité malienne - en particulier la décision de libérer des djihadistes -, soulignant la "détermination" de Paris à poursuivre le combat contre les terroristes. Une manière feutrée d’indiquer que la France n’est pas responsable de ce choix. On se souvient de la réaction, assez inhabituelle pour être soulignée, du général François Lecointre, chef d’état-major des armées, indigné des propos de l’ex-otage française à sa sortie - elle avait dit son souhait de retourner à Gao, dans le nord du Mali.