Les surveillants de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, dans l'Essonne, se montraient inquiets lundi, à cause d'un mouvement des juges d'application des peines du tribunal d'Évry, susceptible d'aggraver la surpopulation carcérale de la plus grande prison d'Europe.
Les prisonniers "vont finir par s'énerver". Depuis le 1er février, les juges d'application des peines d'Évry et leurs greffiers ont cessé d'enregistrer toutes les demandes d'aménagement de peine des détenus et la plupart de celles concernant les condamnés libres, pour protester contre leur manque d'effectifs, comme l'a rapporté le journal Le Parisien lundi.
Cette action risque d'allonger le séjour des pensionnaires de la prison de Fleury-Mérogis. Dans un établissement rempli à 178% de sa capacité et où près de 80 matelas sont posés au sol pour caser des détenus supplémentaires, "ils vont finir par s'énerver", a dit Marcel Duredon, du syndicat FO-Pénitentiaire. "On va essayer de désamorcer, mais il ne faut pas que cette situation dure des mois."
"Notre greffe est au bord du burn-out". Au 31 janvier, avant le début du mouvement des juges et greffiers, plus de 1.000 demandes d'aménagement de peines étaient en attente d'enregistrement à Évry, dont 427 concernaient des détenus de Fleury-Mérogis, selon Céline Martini, déléguée de l'Union syndicale de la magistrature (USM). "Notre greffe est au bord du burn-out", a expliqué cette juge d'application des peines, "frustrée de devoir en arriver là".
Une greffière a fait un malaise il y a deux semaines et plusieurs autres ont fini en pleurs à l'issue d'une réunion sur leurs conditions de travail, a-t-elle raconté. Tous les magistrats et greffiers du service d'application des peines ont adopté une motion, qu'ils ont remise à la présidence du tribunal, et décidé de "prioriser" leurs tâches, en arrêtant les moins urgentes.
Des délais d'audiencement plus longs. "Il est faux de dire que les détenus de Fleury ne pourront plus sortir de prison", a insisté Céline Martini. Ils peuvent adresser leurs demandes d'aménagement à la chambre d'application des peines de Paris, composée de seulement trois magistrats, contre dix à Évry. Mais, les délais d'audiencement "vont automatiquement s'allonger", a-t-elle reconnu. La présidence du tribunal a relevé un "problème de greffe général" à Évry : sur 196 postes de fonctionnaires, 40 sont vacants. Elle a réclamé des renforts pour "résorber le stock de demandes en attente" à l'application des peines.
Renforts. Deux greffiers placés viennent d'être dépêchés et trois vacataires commenceront début mars. Mais ce "pansement" ne "permettra en aucun cas d'apurer le stock", a estimé Céline Martini. Une partie des nouveaux effectifs servira, selon elle, au remplacement d'un congé maternité. Son service réclame un juge supplémentaire et cinq agents (administratifs et greffiers) pérennes pour fonctionner. Les prochaines sorties de l'École nationale des greffes auront lieu en mars, et "Évry fera l'objet d'une attention particulière eu égard à la situation", a réagi le ministère de la Justice, en assurant que "le sujet a été abordé ce (lundi) matin en réunion".
L'école "tourne actuellement au maximum de ses capacités, avec des promotions de taille historique" pour combler les besoins, a précisé la Chancellerie. Selon la loi de finances 2017, 362 postes de greffiers et agents administratifs doivent être créés cette année.