"Il faut être malade pour s’en prendre à un professionnel de santé" : c’est le slogan qu’a choisi le gouvernement pour sa première campagne contre les agressions dont font trop souvent l’objet les personnels des hôpitaux ou des cabinets médicaux. Insultes, crachats, voire attaques physiques : le ministère de la Santé affiche sa tolérance zéro et encourage les victimes à systématiquement signaler ces faits. Reportage à l’hôpital de Nancy (Meurthe-et-Moselle) qui a enregistré plus de 300 signalements rien qu’en 2023.
"J’ai pris un coup de pied et ai été projetée sur plusieurs mètres"
Les insultes, c’est malheureusement au quotidien", soupire Mathilde Eloy, infirmière au CHRU de Nancy. Pendant 12 ans, jusqu’en septembre dernier, elle a travaillé aux urgences, le service dans lequel le personnel est le plus souvent agressé par les patients ou leurs accompagnants. La jeune femme a même subi une agression physique en 2016 : "C’était un patient qui était mécontent de sa prise en charge et qui était très agressif", se souvient-elle. "Moi j’ai pris un coup de pied et j’ai été projetée sur plusieurs mètres. J’ai dû quitter mon service cette nuit-là", témoigne-t-elle.
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L’infirmière se voit alors délivrer un arrêt de travail de quelques jours, "mais c’est psychologiquement que cela a été le plus dur", explique-t-elle. "Il a déjà fallu comprendre qu’en tant que soignant, je pouvais être victime. Que la blouse ne me protégeait pas de tout, parce que je pensais un peu naïvement qu’elle me donnait des pouvoirs de super-héros", poursuit-elle.
Aujourd’hui, Mathilde Eloy est devenue formatrice "Oméga" au sein du CHRU de Nancy. Dans ce cadre, elle délivre des conseils à ses collègues pour leur apprendre à désamorcer les tensions avec les patients agressifs, à trouver les bons mots et à instaurer avec eux une distance de sécurité adaptée. "Peut-être que pendant des années, dans la tête des soignants, on a cru que ce genre de situations étaient normales, alors que ce n’est pas tolérable d’agresser un soignant", insiste-t-elle.
"Il a ramené une scie à métaux dans son sac"
Plus de 300 agressions ont été signalées dans l’hôpital de Nancy rien qu’en 2023 et cela ne représente que la face visible de l’iceberg. "Il y a encore cette culpabilité des soignants qui ne veulent pas dénoncer l’un de leurs patients", estime Nathalie Charon des Ressources Humaines du CHRU, "et les victimes n’ont parfois pas le temps de signaler tous les faits indésirables".
Le service de sécurité de l’hôpital, lui aussi, constate une hausse des situations violentes ces dernières années. "On retrouve régulièrement des gens avec des cutters, des couteaux, des ciseaux, même un sabre", raconte Jonathan Salzard, responsable du service sécurité du CHRU composé de 115 agents. Lui et ses collègues sont intervenus près de 800 fois l’année dernière. "En milieu d’année par exemple on a eu un visiteur mécontent qui a quitté l’établissement et est revenue une demi-heure plus tard avec une scie à métaux dans son sac", se souvient-il. "Le personnel de l’hôpital fait juste son travail, c’est vraiment dommage d’en arriver à ces extrémités", soupire-t-il.
"Tolérance zéro" et soutien inconditionnel de l’hôpital
Alors l’hôpital de Nancy, à l’instar de Mathilde Eloy devenue formatrice, multiplie les mesures pour soutenir son personnel. Jonathan Salzard donne par exemple depuis cinq ans des cours de "self sauvegarde" aux salariés du CHRU, l’équivalent du "self défense" mais sans chercher à blesser le patient agressif, simplement à le maîtriser au sol.
Endiguer cette violence en hausse est une question prioritaire pour la direction de l’hôpital. "La tolérance est de zéro", martèle Nathalie Charon. "Tout ce qui est incivilités, c’est inadmissible et on ne les admettra plus", assure-t-elle. Elle encourage ainsi tous les personnels à signaler systématiquement les agressions dont ils sont victimes en les assurant du soutien inconditionnel de leur direction, tant d’un point de vue psychologique que juridique.