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Yanis Darras , modifié à
Gilles Kepel, professeur des universités et auteur de "Prophète en son pays" (l'Observatoire), était l'invité d'Europe 1-CNews ce mardi matin. Au micro de Sonia Mabrouk, l'universitaire est revenu sur l'interdiction de l'abaya à l'école, cette longue robe traditionnelle considérée désormais interdite par le gouvernement dans l'enceinte des établissements scolaires.

"Nous ne laisserons rien passer". Lors de son déplacement à Orange vendredi dernier, à la vieille de la rentrée scolaire, Emmanuel Macron s'est montré particulièrement ferme face aux potentielles tentatives de contournement de l'interdiction de l'abaya à l'école. Quelques jours auparavant, le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, avait annoncé l'interdiction de l'abaya et du qamis à l'école, de longues robes considérées désormais par le gouvernement comme des vêtements religieux et interdites dans l'enceinte des établissements.

Une situation qui fait écho à celle d'il y a 20 ans

Et ce lundi 4 septembre, alors que les élèves retournaient en cours, peu d'incidents liés au port de l'abaya ont été remontés. Invité au micro de Sonia Mabrouk, Gilles Kepel, professeur des Universités et auteur de "Prophète en son pays" aux éditions de l'Observatoire, s'est félicité de la prise de décision du gouvernement.

Face au peu d'incidents, "le tour de vis qu'a mené Gabriel Attal a une efficacité", juge ainsi Gilles Kepel. "Vous savez, il y a 20 ans exactement, j'étais membre de la commission Stasi (une commission créée par Jacques Chirac en 2003 sur l'application de la laïcité à l'école, qui découlera notamment en 2004 sur l'interdiction des signes religieux ostentatoires à l'école ndlr). Ça rappelle des temps lointains mais la situation est assez semblable à aujourd'hui. Et à partir du moment où nous avions préconisé à l'époque la prohibition des tenues religieuses ostentatoires à l'école et que le gouvernement avait suivi notre préconisation, les choses s'étaient arrêtées", explique-t-il. 

"Je m'étais beaucoup impliqué là-dessus parce que, avec le regretté Mohammed Arkoun, j'étais le seul arabisant de la Commission, et nous étions les seuls à comprendre quels étaient les logiques mises en place par les Frères musulmans à l'époque de l'Union des organisations islamiques en France (UOIF). Et c'était simplement une logique de rapport de force avec l'État. (...) Et donc, l'organisation en question n'arrivait plus, si vous voulez, à utiliser le port du voile pour faire pousser ses propres arguments politiques. Et donc, les chefs d'établissements ont pu pendant les années suivantes vaquer leurs occupations normales au lieu de passer leur temps à faire du contentieux", ajoute-t-il, soulignant que la situation devrait ainsi se reproduire aujourd'hui. 

Une forme de rupture ?

Car pour l'universitaire, "le port de l'abaya comme le port du voile à l'époque, a pour but de tester les limites", comme une sorte d'appropriation territoriale, ajoute-t-il. Et avec les réseaux sociaux, "tout ça fait partie d'une espèce d'atmosphère du salafisme et du djihadisme qui est répercuté à longueur de prédication par des groupes d'imam itinérants. Car il faut bien voir que la mouvance islamiste politique, aujourd'hui en France, est en état de faiblesse après l'époque de Daesh, et notamment suite aux attentats sur le sol français". 

Donc désormais, "les coûts portés font que les djihadistes se dissimulent, sont plus prudents, avançant à pas comptés. De ce fait il y a la volonté de construire une espèce d'atmosphère de rupture" avec le reste des citoyens, et de la République, conclut-il.