La ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a demandé au CNRS une enquête sur "l'islamo-gauchisme" à l’université, suscitant la polémique cette semaine. Selon elle, "l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et l'université n'est pas imperméable". Invité de C'est arrivé cette semaine sur Europe 1, Pierre-Henri Tavoillot, qui a créé à la Sorbonne une formation de "Référent laïcité", indique qu'il ne se "reconnaît pas intégralement" dans la démarche de Frédérique Vidal. S'il estime qu'un débat sur le sujet est "bénéfique et intéressant", une telle démarche soulève selon lui plusieurs problèmes majeurs.
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"Une forme de déni"
Pierre-Henri Tavoillot regrette d'abord qu'il y ait "une forme de déni" sur la question de "l'islamo-gauchisme". "Il y a ce type de problème dans l'ensemble de la société et il n'existerait pas à l'université ?" demande-t-il, en réaction à la fronde qu'ont provoqué dans le monde universitaire les propos de la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Le fait qu'ait été confiée une mission sur le sujet dans les universités au CNRS le "gène" également. "Des problèmes similaires se posent aussi au CNRS", avance-t-il.
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Démarche "pas très astucieuse"
"Mais je pense que le point essentiel, ce n'est pas ça", poursuit Pierre-Henri Tavoillot. "Demander de faire un travail de recherche sur les chercheurs, ce n'est pas très astucieux. Ça ne me plaît pas, parce qu'il y a un principe qui s'appelle la liberté académique. Chacun peut faire les recherches sur ce qu'il veut", explique-t-il au micro d'Europe 1.
Le maître de conférences à la Sorbonne rappelle d'ailleurs que "les idéologies ont parfaitement le droit de s'exprimer tant qu'elles ne constituent pas des pressions sur les individus ou sur les chercheurs. Tant qu'elles ne formatent pas des profils de recherche, tant qu'elles ne produisent pas des effets de censure."
Et "il faut bien reconnaître qu'il y en a", avance Pierre-Henri Tavoillot, citant l'annulation de la représentation d'une pièce d'Eschyle à la Sorbonne en mars 2019. "Il y a ces phénomènes qui sont présents. Donc je crois que ce sont ces pratiques qu'il faut viser", affirme le philosophe. "Après, le débat d'idées, c'est notre boulot ! Si on n'est pas d'accord avec des thèses, on doit les affronter, se confronter et contre-argumenter", conclut-il.