Le film s'ouvre sur la scène par laquelle tout commence, le fait divers à l'origine de ce qui deviendra l'affaire symbole de la lutte contre les violences conjugales en France. Dans sa maison de La Selle-sur-le-Bied, dans le Loiret, Jacqueline Sauvage - campée par Muriel Robin - attrape un fusil suspendu au mur. C'est celui de son mari, assis sur la terrasse, qui réclame qu'elle prépare le dîner en buvant un whisky. Jacqueline Sauvage traverse le pavillon, vise et tire trois fois dans le dos de son époux, qui s'effondre sur la terrasse. Calme, elle appelle elle-même les gendarmes. "Il vous battait ?", demande l'un des fonctionnaires. "Oui. Enfin, parfois."
Une vie de souffrance et d'indifférence. L'histoire que raconte Jacqueline Sauvage, c'était lui ou moi, réalisé par Yves Rénier et diffusé lundi soir sur TF1, est connue de tous. C'est celle d'une femme battue pendant 47 ans, condamnée à dix ans de prison pour le meurtre de son mari, puis graciée par François Hollande en 2016, après quatre ans de détention. La décision avait divisé magistrats, militants féministes et politiques. Mais le téléfilm, basé sur le livre publié par la mère de famille, choisit volontairement de s'éloigner de ce débat - l'étape de la grâce n'y est pas intégrée - pour retracer le parcours d'une vie de souffrance et l'indifférence qui l'entourait.
Le téléspectateur découvre Jacqueline Sauvage grelottant en chemise de nuit, dans la cabane au fond du jardin familial, où son mari l'oblige à dormir après l'avoir battue. Sous forme de "flash-backs", les scènes de maltraitance sont revécues par la condamnée depuis sa prison. Une autre, particulièrement marquante, montre un dîner de Noël en famille préparé avec soin, qui dégénère brusquement en accès de violences.
"Ça ne devait pas être si terrible que ça". Presque autant que les coups, ce sont les réflexions des proches de la mère de famille et des différents acteurs de son parcours judiciaire qui font mouche. Lors de son premier procès, la présidente de la cour d'assises regarde Jacqueline Sauvage avec cynisme : "Et donc, vous avez fait des enfants avec cet homme que vous décrivez comme un tyran ?". Lorsqu'elle arrive en prison, sa co-détenue ne comprend pas : "si t'as tenu aussi longtemps avec lui, c'est que ça ne devait pas être si terrible que ça." Et lors de son procès en appel, un voisin vient témoigner : "on pensait l'inverse de ce qui allait se produire. On pensait qu'un jour, Norbert allait tuer Jacqueline."
Entre ces scènes, il y a les "bons" souvenirs, des moments d'affection et les réflexions d'une femme qui peine à réfléchir sur sa propre situation : "au début, j'avais pas l'impression d'être battue. C'était lui qui me faisait de la peine : il avait vécu une enfance difficile." Une complexité justement restituée, qui interpelle les esprits, au-delà du faits divers.
Jacqueline Sauvage, c'était lui ou moi, lundi 1er octobre à 21 heures sur TF1, en partenariat avec Europe 1