Les enfants sont de plus en plus consultés par leurs parents. Selon une étude de Juniors & Co relayée vendredi par Le Parisien, la "démocratie participative" prend de l'ampleur au sein des familles. Ainsi, seuls 5% des parents achètent des jouets sans demander l'avis de leurs enfants. Ils sont tout juste 15% à choisir les vêtements des "pitchouns" sans les consulter au préalable. Et cette "démocratie participative" touche de nombreux domaines : activités en famille, vacances, alimentation… Sur tous ces sujets, les parents sont de plus en plus nombreux à se tourner vers leurs enfants, révèle l'étude. Pour plus de 20% des familles, "la consultation" voire la "décision commune" devient même "la norme" lors de l'achat d'une maison ou…"la couleur du monospace", ajoute Le Parisien.
Mais est-ce une bonne méthode ? Europe 1 a posé la question à Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne spécialisée dans le domaine de l'enfance, de l'adolescence et de la famille.
Les enfants sont de plus en plus consultés. Est-ce une bonne chose selon vous ?
Il y a des effets positifs et négatifs, tout dépend de la famille et de l'âge de l'enfant. Dans une famille avec un enfant unique, l'enjeu est particulièrement important. Cela peut, certes, aider à autonomiser l'enfant, à le responsabiliser. Mais il ne faut pas lui demander son avis sur tout et tout le temps. La couleur de la voiture, par exemple, je trouve ça excessif ! On risque de faire de l'enfant un adulte miniature. Lorsque l'enfant a entre six et douze ans, je pense que les parents doivent définir les rôles et prendre des décisions seuls. Un enfant à qui l'on demande son avis sur tout risque de devenir un enfant roi.
Dans le cadre des familles où il y a plusieurs enfants, demander les avis de tous les enfants peut avoir un effet plutôt positif. Cela créé de la solidarité. Les plus jeunes ont ainsi le sentiment que leur voix compte, qu'ils ne sont pas déconsidérés. Et cela est capital : souvent, les familles viennent consulter pour des problèmes de rivalité fraternelle. Mais il ne faut pas non plus les consulter sur tout.
Justement, où placer le curseur ? A quelle fréquence doit-on consulter l'enfant ? Pour quelles thématiques ?
C'est difficile de faire des généralités. Pour le lieu des vacances, par exemple, un parent peut demander son avis à l'enfant une fois sur deux. Les parents peuvent le consulter pour les vacances d'avril, lui demander s'il a envie de découvrir une région, dont il a entendu parler à l'école par exemple. Mais si ensuite les parents veulent aller à la montagne en été, ils doivent le faire sans forcément en parler au préalable. De même, l'enfant ne doit pas être consulté sur tous les sujets. Lui demander si la robe de la maman lui convient, si la marque de lait est la bonne, c'est excessif. De même pour le choix d'une maison : l'enfant peut venir visiter les lieux mais c'est un choix de vie lourd, important, et c'est de la responsabilité des adultes de décider. Ce qu'il faut éviter, c'est d'inverser le référentiel enfant / adulte. L'enfant risque de devenir le parent des parents si ces derniers se reposent trop sur lui.
Quelles peuvent-en être les conséquences ?
L'enfant risque tout simplement de développer un ego surdimensionné. Si c'est lui qui fixe les règles et les normes à la maison, il risque de vouloir reproduire le schéma à l'école, à l'extérieur. Et cela créé du conflit. Il ne faut pas oublier que l'enfant comprend très vite ce qu'il se passe et élabore des stratagèmes pour obtenir ce qu'il veut. Il faut le responsabiliser, l'autonomiser, mais il lui faut aussi un cadre.
Et comment donc fixer un cadre équilibré ?
Il faut expliquer calmement les règles. Puis on peut passer une sorte de contrat, de pacte. Le mettre par écrit peut être une méthode éducative efficace. Il faut lui expliquer que pour telle activité, à tel moment, c'est telle personne qui décide. Si l'on dit que l'enfant, pour les vacances, choisit une fois sur deux, cela va l'engager. Et s'il refuse, on lui ressort les règles, le pacte.
Pour les jouets, par exemple, on conseille d'être un peu plus souple pendant les périodes charnières, Noël ou les anniversaires par exemple. On pourrait dire à l'enfant : 'exceptionnellement, tu as le droit à cinq jouets', tout en le faisant s'engager à ne pas prendre des jouets trop chers, trop gros.
Pour le reste de l'année, on peut mettre en place un 'pacte' qui lie les jouets et le comportement, ou les notes à l'école par exemple. Le jouet fait office de carotte si l'on peut dire : s'il a de bonnes notes, on lui donne un jouet. Mais pas trop non plus : une fois par mois me parait une fréquence équilibrée. Cela donne à l'enfant une sensation de plaisir et cela peut lui apprendre à gérer sa frustration. Mais là encore, il faut bien expliquer les règles au préalable.
Et si l'enfant refuse les règles ?
Les parents doivent tenir, même si l'enfant est infernal pendant deux jours. Au bout d'un moment, l'enfant finit par comprendre. Mais il faut reconnaître que c'est difficile de faire une généralité. Certains enfants sont plus difficiles que d'autres. Ce qui est important, c'est que les deux parents soient solidaires, qu'il n'y en ait pas un qui dise l'inverse de l'autre.
En cas de conflit avec l'enfant, vous préconisez plutôt la méthode "éducation positive" (éviter de gronder l'enfant, privilégier l'explication, la valorisation, les propositions 'gagnant-gagnant' plutôt que la punition…) ou une méthode plus autoritaire ?
L'éducation positive est une belle théorie, et bien sûr que je l'encourage. Cette méthode de communication est la bonne et peut rendre heureux enfants et parents. Mais ce n'est pas toujours facile à mettre en pratique. Il faut prendre en compte la réalité sociale et économique des parents. Ce n'est pas toujours facile de trouver les mots après une longue journée de travail, dans une forte période de stress. Et puis il faut prendre en compte aussi la conception de l'éducation des parents. Tous ne sont pas toujours réceptifs à cette méthode.
En outre, je pense que l'enfant a besoin de cadre, de fermeté. Il ne faut pas être autoritaire mais être ferme, strict. Je préfère ces termes. Je pense que parfois, un enfant a besoin d'être puni. Le mettre au coin par exemple : je ne pense pas que ce soit traumatisant. Cela permet à l'enfant de se rendre compte, de prendre le temps de réfléchir.