C'était il y a trois ans, jour pour jour. La tuerie perpétrée dans les locaux Charlie Hebdo décimait la rédaction de l'hebdomadaire satirique. Trois ans après, que reste-t-il de l'"esprit Charlie" ? La question était débattue samedi aux Folies Bergères devant quelque 1.500 personnes. Trois associations, la Licra, le Printemps républicain et le Comité Laïcité République y avaient organisé un après-midi de débats et un spectacle en soirée. L'occasion de décortiquer "l'esprit Charlie" sur scène.
Un esprit qui "s'émousse". Journalistes, sociologues et philosophes, tous ont reconnu que cet esprit "s'émousse". Mais dans la salle, tout le monde se revendiquait encore "Charlie", à l'instar de cet homme, qui estime qu'"être Charlie, c'est être symboliquement pour la liberté d'expression". "Charlie aujourd'hui, Charlie demain, Charlie toujours", a renchéri une spectatrice. Sur scène, émue, Marika Bret, directrice des ressources humaines de Charlie Hebdo a longuement pris la parole sous les applaudissements des spectateurs.
Débats et controverses. Trois ans après, cet hommage aux victimes s'est aussi doublé d'un "esprit de combat". "La laïcité, c'est un combat qu'il faut mener parce qu'elle est clairement menacée de toutes parts et de tous bords", explique Sylvie, lectrice de l'hebdomadaire satirique depuis son enfance. Cette vision "combattante" de la laïcité explique aussi les controverses autour de l'événement au sein de la gauche, alors que certaines figures politiques et médiatiques estiment que les associations organisatrices de cette journée en profitent pour stigmatiser l'islam. C'est le cas, par exemple, du fondateur de Mediapart Edwy Plenel, qui s'élève régulièrement contre une laïcité "fermée" qu'il juge discriminante. La journaliste Françoise Laborde, présente samedi, a répondu vertement au "petit moustachu", tandis que le directeur adjoint de la rédaction de Marianne s'est inquiété de la "plénélisation" du métier de journaliste.
Pascal Bruckner dénonce la stratégie des « islamogauchistes et des fanatiques » #ToujoursCharliepic.twitter.com/peH7UcI7sR
— David Perrotin (@davidperrotin) 6 janvier 2018
Exemple parlant d'une élite qui se déchire sur le même concept de laïcité, le romancier et essayiste Pascal Bruckner a fustigé sur scène les "islamo-gauchistes".
Bruckner : "Est-ce que les catholiques et les juifs sont allés egorger les dessinateurs de Charlie? Charlie par ses satires aura réussi à normaliser l'islam, en faire une religion parmi les autres. Cette normalisation c'est ce dont ne veulent pas les islamo-gauchistes. pic.twitter.com/PilEekNuxC
— Assma Maad (@Assma_MD) 6 janvier 2018
Place aux artistes. Après un après-midi de débats, ce sont les artistes qui sont montés sur la scène des Folies Bergères. Pendant de longues minutes, un comédien a lu et interprété un texte de Charb sur la douce musique de Keren Ann. Un livre que le dessinateur avait achevé quelques jours seulement avant d'être abattu.