Quinze magistrats pour 100.000 habitants. Ce chiffre illustre à lui seul le malaise de la profession. Épuisement, perte de sens... Les magistrats français ont décrit leur souffrance dans une tribune publiée dans Le Monde. Ils seront reçus cet après-midi par François Molins et Chantal Arens, les deux présidents du Conseil supérieur de la magistrature, pour évoquer ce mal-être et exposer leurs doléances. Avec un espoir : être enfin entendus.
"Clochardisation" de la justice
François Molins va donc devoir entendre la grogne des juges, qui gagne du terrain. Eric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice, les a déjà reçus pendant plus de trois heures, mais sans véritable résultat. En plein Etats généraux de la justice, lancés en grande pompe à Poitiers par Emmanuel Macron le 18 octobre dernier pour une durée de 120 jours, les magistrats ne souhaitent plus jouer le jeu du gouvernement. La hausse budgétaire de 8% ne suffit pas à combler le retard accumulé.
La France reste toujours sous la moyenne des pays du Conseil de l'Europe : 65 euros par habitant dépensés, contre 131 pour l'Allemagne ou 92 pour l'Espagne. Les difficultés ne sont pas nouvelles. Déjà, en 2016, le garde des Sceaux de l'époque, Jean-Jacques Urvoas, avait parlé de "clochardisation" de la justice. Depuis, le malaise est encore plus grand chez les juges.
Les magistrats découragés et épuisés
Pénurie de matériel et d'effectifs, audiences nocturnes, dossiers en souffrance dans les tribunaux : les magistrats sont découragés, épuisés. Dans leur tribune publiée dans Le Monde, ils disent ne plus supporter leurs conditions de travail et les injonctions à "faire du chiffre". Ils dénoncent également une charge de travail qui "fait perdre le sens à leur métier" et une justice qui "maltraite les justiciables, mais également les greffiers et les magistrats".
Des motions sont votées à l'unanimité, comme à la Cour d'appel de Paris, pour dénoncer la "désespérance" des magistrats. Ces derniers attendent des réponses concrètes du gouvernement et de François Molins avec, entre autres, une simplification des procédures, une réorganisation des tribunaux et effort budgétaire sur la durée. Des manifestations sont prévues le 15 décembre prochain.