Vendredi, les tribunaux de France entament une "journée morte". Juges, avocats, greffiers se mobilisent en nombre pour protester contre le projet de loi de programmation de la justice. Cette réforme, portée par la garde des Sceaux Nicole Belloubet, touche à tous les aspects du droit, des affaires dites "du quotidien" aux affaires pénales. Europe 1 vous explique les raisons d'une telle défiance.
Quel est l'objectif de la réforme ?
La justice va mal. Ce constat est partagé par l'ensemble des acteurs de la profession. Le manque de moyens est l'un des principaux points noirs. En France, le budget annuel de la justice par habitant est en-dessous de la moyenne européenne. Professionnels et justiciables se plaignent aussi de délais trop longs.
Cette loi de programmation promet une augmentation du budget d'ici la fin de quinquennat, pour atteindre 8,3 milliards en 2022, ainsi que 6.500 postes supplémentaires, soit une hausse de 7%. Surtout, elle ambitionne de simplifier l'accès au droit pour tous.
Pourquoi une telle levée de bouclier ?
Les opposants à cette réforme ont le sentiment qu'elle produira l'effet inverse de celui escompté. Une expression résume leur sentiment : "Plutôt que de donner des moyens suffisants, on fait en sorte que les Français saisissent moins la justice". Ils citent plusieurs exemples de ces dysfonctionnements annoncés. Au civil, pour saisir un juge, il faudra d'abord passer par une tentative de conciliation qui, dans certains cas, pourrait être payante. De quoi en décourager certains. De son côté, la chancellerie rétorque que dans bien des cas, cela permet de gagner du temps. Elle explique aussi que la saisine en ligne de la procédure, de n'importe où en France, rend l'accès au droit plus simple.
Autre exemple cité par les opposants au projet : une pension alimentaire pourrait être fixée ou révisée par un organisme, comme la Caf, sans passer par un juge. Par ailleurs, une spécialisation des types de litiges selon les tribunaux pourraient obliger les justiciables à faire des heures de transport au lieu de se rendre au tribunal le plus proche.
Autant de critiques qui, même si elles sont contre-argumentées par la chancellerie, donnent un sentiment de justice éloignée des citoyens.
Est-ce la méthode qui heurte les professionnels ?
Réforme fonction publique, réforme de la SNCF… Les syndicats des corps concernés estiment que le gouvernement n'a pas entamé de vraies concertations. Du côté des syndicats des professionnels de la justice, on dénonce aussi des discussions floues, un projet écrit transmis tardivement, le tout dans un contexte d'urgence puisque le texte devrait être présenté très rapidement en conseil des ministres, le 18 avril prochain.