Des toxicomanes mieux traités, mais une action inefficace pour ramener la tranquillité publique : la Cour des comptes pointe du doigt mercredi les faiblesses du plan anti-crack appliqué à Paris depuis 2019 et dénonce le manque de coordination des pouvoirs publics. "Le plan a produit des résultats réels, mais partiels et sans effet sur les atteintes à la tranquillité publique", écrit la Chambre régionale des comptes (CRC) d'Ile-de-France dans son audit. Au final, 25 millions d'euros ont été dépensés entre 2019 et 2021, contre les 9 initialement prévus.
20 actions réalisées sur 33 prévues
Ce plan triennal devait mutualiser les efforts contre la consommation de crack qui gangrène le nord-est de Paris en associant la municipalité aux services de l'État : préfectures de région et de police, parquet, Agence régionale de santé et Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Ce quasi-triplement de la facture n'est pourtant pas critiqué. "C'est de l'argent qui a été utilement dépensé", a expliqué à la presse Christian Martin, le président de la CRC francilienne. Environ 70% des 25 millions mobilisés ont permis la création de 440 places d'hébergement d'urgence pour sortir de la rue des toxicomanes, accros à ce dérivé fumable de la cocaïne.
Un effort massif et inattendu, réalisé principalement dans l'urgence du premier confinement au printemps 2020, quand les rassemblements de toxicomanes ont cristallisé les tensions avec les riverains. La coordination étroite des autorités sur ce point s'est toutefois "progressivement relâchée", regrette le rapport, qui souligne le "suivi insuffisant" du plan. Les 30% restants du budget ont permis de renforcer les maraudes des associations. Si le plan semble avoir été majoritairement appliqué, avec 20 actions réalisées sur 33 prévues, ses "limites intrinsèques" n'ont pas permis de régler la crise, observe la CRC.
Deux espaces de repos ouverts uniquement le jour
Les magistrats déplorent surtout "l'absence de volet sur la lutte contre le trafic" directement intégré dans cette stratégie aux objectifs essentiellement médico-sociaux. La préfecture de police et le parquet ont ainsi mené séparément leur politique de lutte contre le trafic, "sans forcément communiquer leurs actions aux autres acteurs", selon Christian Martin. Le rapport décrit également un plan sous-dimensionné dès le départ pour 700 à 800 consommateurs précaires recensés dans Paris. Il regrette enfin la "portée limitée" de certaines actions initialement envisagées, qui n'ont jamais vu le jour.
Seuls deux espaces de repos sur les six prévus pour les usagers ont été ouverts, mais pas la nuit. Les salles de consommation à moindres risques, voulues par la mairie de Paris, mais longtemps refusées par le ministère de l'Intérieur, se heurtent elles désormais au manque de sites disponibles malgré le feu vert de Matignon.