L'image romantique de la petite mansarde sous les toits a depuis longtemps cédé la place à la "chambre de bonne" exiguë, parfois insalubre, et synonyme de misère sociale. Alors que la Fondation Abbé Pierre lance lundi une grande compagne contre le mal-logement, la mairie de Paris a elle décidé de s'attaquer à un dossier bien spécifique : les "chambres de bonnes". Elle doit annoncer dans deux semaines un plan visant à réhabiliter ces chambres de service qui font moins de 9 mètres carrés, la surface minimale légale.
Le constat. C'est notamment après la publication en novembre 2015 d'une note de l'atelier urbain d'urbanisme (l'Apur), que la mairie de Paris a souhaité engager une réflexion sur le sujet. On y apprend ainsi que "sur 114.400 chambres de service, moins de la moitié a plus de 9 mètres carrés". "Les autres, soit 58.300 chambres de service, ne répondent pas à la surface minimale fixée par le décret sur le logement décent", poursuit la note. Autre chiffre : selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 7.000 de ces logements sont occupés à titre de logement principal.
"Les chambres de service sont le plus souvent inconfortables", note également et pudiquement la note de L'Apur. "Elles ne disposent pas de w-c intérieurs et sont rarement équipées d'une douche", ajoute-t-elle.
Les pistes de réflexion. Suite à cette étude, Ian Brossat, adjoint PCF chargé du Logement à la mairie de Paris, a demandé à des experts et groupes de travail de faire des propositions pour transformer ces surfaces en logements décents. "L'enjeu est double", explique-t-il à Europe 1. "Il faut lutter contre l'insalubrité mais aussi gagner de la place pour avoir de nouveaux logements".
Deux pistes sont donc sur la table : inciter les propriétaires à rénover leurs logements via des aides directes ou fiscales mais aussi l'acquisition par la mairie de Paris elle-même de ces logements pour les transformer en logements sociaux. L'idée étant d'acquérir plusieurs "chambres de bonne" d'un même parc afin d'en faire des logements d'une surface supérieure ou égale à 9 mètres carrés. Comment obliger les propriétaires récalcitrants à se séparer de leurs biens ? "Il existe des procédures dans le code de l'urbanisme", assure Ian Brossat, qui espère d'abord des procédures à l'amiable, l'exercice du droit de préemption si les logements sont à vendre et en dernier recours des expropriations. Ce plan devrait être soumis à délibération au conseil de Paris en novembre. Concernant son financement, "on puisera dans le budget du logement qui est de 500 millions", se contente d'expliquer l'élu sans donner plus de précisions.
Les associations réagissent. Du côté des associations, l'initiative est plutôt bien accueillie. "C'est une bonne chose", réagit se félicite Samuel Mouchard, responsable de l'Espace Solidarité Habitat de la Fondation Abbé Pierre. "L'incitatif pour les propriétaires, c'est très bien". Mais, ajoute-t-il, il ne faudrait pas oublier "le volet coercitif pour ces propriétaires indélicats ou ces marchands de sommeil. Aujourd'hui, les propriétaires ne sont pas assez inquiétés", pointe-t-il.
"L'idée n'est pas mal", commente de son côté Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL (Droit au Logement). "Il est normal qu'il y ait une action publique à l'égard de ces bailleurs indélicats", salue-t-il. "La seule condition, c'est de ne pas se retourner contre les occupants, il faut que l'on sache ce qu'ils vont devenir", s'inquiète-t-il néanmoins. Le porte-parole souligne ainsi la très grande fragilité de ce public "qui ne se manifeste pas, qui a peur". "On est au bord de la rue" lorsqu'on vit dans ces logements, conclut-il.