Le tribunal administratif de Strasbourg s’est penché il y a quelques semaines sur un arrêté anti-mendicité pris par la ville de Metz, sous la pression des commerçants et des riverains de certains quartiers qui se plaignaient de la gêne occasionnée sur les trottoirs par les SDF devenus plus nombreux du fait de la crise sanitaire. Pendant longtemps, mendier était un délit. Il a fallu attendre les années 1990 pour que la mendicité soit reconnue comme un état de nécessité pour des personnes dans le besoin, le plus souvent sans domicile ni ressource. Avec néanmoins quelques exceptions, comme le rappelle sur Europe 1 l'avocat Roland Perez.
"On peut dire que n’étant plus explicitement un délit, la mendicité est devenue licite. Sauf si elle s’accompagne d’agressivité, de la présence d’un chien dit dangereux, pouvant laisser supposer une menace, ou quand des enfants sont utilisés pour apitoyer les passants. Dans ce cas, la mendicité redevient un délit. Toutes personnes qu’on utilise pour mendier, enfants et femmes enceintes, font encourir à leurs auteurs des peines de prison allant de 3 ans à 5 ans et une amende pouvant atteindre 75.000 euros.
Il y a aussi le cas où une commune peut estimer que l’ordre public est menacé par la présence de personnes qui occupent l’espace public, entravant la circulation des passants et gênant l’ouverture des commerces. C’est ce qui s’est passé à Metz avec l’arrêté anti-mendicité qui a été pris et soumis à la censure du tribunal administratif.
Quels sont les arguments du tribunal administratif de Strasbourg ?
À l’instar de nombreux tribunaux en France, préoccupés par le principe de fraternité régulièrement mis en avant par le Conseil d’Etat à l’égard des populations précaires, le tribunal a annulé l’arrêté anti-mendicité, en se fondant sur les libertés d’aller et venir, de circuler et de stationner. Ainsi, sans démonstration flagrante du fait que la mendicité trouble l’ordre public, en provoquant par exemple du tapage, en mettant en danger les riverains ou en salissant et détériorant le domaine public, la justice a estimé que l’arrêté était disproportionné au but recherché par le maire.
Pourtant l’arrêté anti-mendicité limitait dans le temps cette interdiction et visait un périmètre précis à Metz...
En effet, le maire de Metz avait interdit la mendicité de 9 heures à 19 heures, six jours sur sept et dans certains quartiers. Mais ce n’était pas suffisant car les libertés publiques ont la peau dure, elles doivent prévaloir sur l’intérêt de quelques-uns. La liberté d’aller et venir est primordiale dans nos démocraties et doit se concilier avec l’atteinte à l’ordre public.
Les maires ne peuvent donc pas décider de restreindre à outrance cette liberté fondamentale sans démontrer en quoi une telle interdiction est nécessaire, proportionnée et adaptée à la situation de trouble à l’ordre public signalée."