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avec AFP / Crédit photo : Antoine Berlioz / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP , modifié à
Des manifestations ont lieu ce samedi dans toute la France pour s'opposer à la réforme du "choc des savoirs". Les enseignants, parents et élèves mobilisés demandent l'abandon de l'une des mesures les plus controversées : l'instauration de groupes de niveau au collège, en français et en mathématiques.

La mobilisation contre la réforme du "choc des savoirs" s'inscrit dans la durée : enseignants, parents et élèves manifesteront samedi à Paris et dans plusieurs villes en France pour demander l'abandon de l'une de ses mesures les plus controversées, l'instauration de groupes de niveau au collège. Le Snes-FSU, SUD Education, la CGT éduc'action et la FNEC-FP FO, le Sgen-CFDT, Unsa-éducation, la FCPE, et des syndicats lycéens appellent "celles et ceux qui se retrouvent dans le projet d'une école publique, laïque et émancipatrice à manifester pour l'école publique et pour dire non au 'choc des savoirs'", selon un communiqué commun.  À Paris, un cortège s'élancera de la place de la Sorbonne à 13H00 en direction de la place de la Bastille.

Annoncée par le Premier ministre Gabriel Attal lors de son passage rue de Grenelle, la réforme dite du "choc des savoirs" est une kyrielle de mesures censées élever le niveau des élèves. L'une d'elles est particulièrement contestée par une très large partie du monde éducatif : l'instauration de groupes de niveau, en français et en mathématiques, au collège.

La ministre de l'Éducation nationale Nicole Belloubet préfère parler de "groupes de besoins". Les textes officiels donnent une certaine souplesse à chaque établissement pour les mettre en œuvre. Les "groupes" entreront en vigueur à compter de la rentrée scolaire 2024 pour les classes de sixième et de cinquième, et à partir de la rentrée scolaire 2025 pour les classes de quatrième et de troisième. "Le pays ne veut pas de cette école où on trie les élèves, où on en éjecte certains", avance Benoît Teste, secrétaire général de la FSU.

"Dans le mur"

"L'idée est de se mobiliser pour que les effets d'un certain nombre de propositions autour du choc des savoirs (groupes de besoins, prépa seconde, généralisation du SNU, l'éventuelle généralisation de la tenue unique) soient les moins importants et pour qu'un certain nombre de ces dispositifs ne se réalisent pas", a dit Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, premier syndicat des chefs d'établissements.

Parmi les premières mobilisations de la journée, une centaine de personnes se sont rassemblées samedi matin à Metz devant les locaux départementaux de l'Education nationale où les manifestants ont placardé des affiches sur lesquelles sont écrits des slogans comme "oui au tri des reformes, non au tri des élèves". "Ce que nous disons, c'est que pour faire réussir les élèves, il faut diminuer les effectifs", plutôt que de procéder à des tris, et "donner du temps aux enseignants", a déclaré Bruno Henry, secrétaire général académique du Snes.

"Les groupes en difficulté vont avoir un programme d'apprentissage qui ne sera pas le même que les groupes des bons élèves et plusieurs fois dans l'année, les évaluations qui vont leur permettre de changer de groupe vont être les mêmes pour tous les élèves, quel que soit leur groupe. Donc on condamne quelque part un enfant à rester dans un groupe en difficulté", condamne pour sa part au micro d'Europe 1, Corinne, mère d'un élève scolarisé en classe de sixième. 

La mobilisation ce samedi prolonge aussi des contestations qui s'enracinent localement et suscitent des initiatives variées tout en témoignant d'inquiétudes communes. À Nantes, dans les quartiers populaires de l'Ouest, les enseignants du collège La Durantière - qui compte 350 élèves et une quarantaine de profs - ont décidé de ne pas appliquer la réforme du "choc des savoirs" et plus particulièrement les groupes de niveau. Ils affirment dans un communiqué qu'ils "utiliseront tous les moyens réglementaires à leur disposition".

Selon Nathalie Peres, 45 ans, prof de français dans cet établissement classé REP, "dans les établissements d'éducation prioritaire, où le public est très fragile, il y aura des groupes qui vont multiplier les difficultés et on ne peut pas faire progresser les élèves comme ça. On est pour l'hétérogénéité, on sait travailler avec l'hétérogénéité, on sait faire progresser les élèves comme ça", assure cette professeure syndiquée au Snes-FSU. 

"Le harcèlement, on va le voir encore plus. Il va décupler. Donc là, on les met tout de suite dans une case et on va les amener jusqu'en troisième dans la même case. Ils ne pourront pas progresser. Et ça, c'est ça. C'est une honte", déplore pour sa part Cécile, professeur de Mathématiques et présente dans le cortège lyonnais.

À Pélissanne, petite commune des Bouches-du-Rhône mitoyenne de Salon-de-Provence, parents d'élèves et enseignants ont organisé jeudi une réunion publique devant le collège Roger-Carcassonne pour échanger sur les "dangers" de la mise en place du "choc des savoirs". "Ça aurait pu partir d'une bonne intention mais ce qui nous inquiète c'est une énième réforme à moyens équivalents et sans enseignants supplémentaires, on va forcément dans le mur", dénonce Bettina Toulouse, présidente de la FCPE de ce collège.

Elle l'assure : "ça va participer à mettre de côté certains élèves". "Je redoute même la stigmatisation qui pourrait se produire quand les élèves vont comprendre qu'ils seront dans des 'groupes' différents et la stigmatisation participe à une forme de harcèlement scolaire".