Le cimentier Lafarge peut-il être considéré comme "complice de crimes contre l’humanité" en Syrie ? C’est la question que doit trancher, jeudi, la Cour de cassation. Déjà poursuivie pour "financement du terrorisme", l'entreprise est soupçonnée d'avoir versé en 2013 et 2014, près de 13 millions d'euros à des intermédiaires et des groupes armés, dont Daech, pour maintenir son activité en Syrie. La mise en examen avait été annulée dans un premier temps, puis de nouveau contestée devant les tribunaux par l'ONG Sherpa, le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l'Homme (ECCHR) ainsi que onze anciens salariés de Lafarge en Syrie.
"Financement du terrorisme et mise en danger délibérée d'autrui"
C'est le crime le plus grave dans le code pénal français. Et jusqu'à présent, aucune entreprise française n'a été condamnée pour crime contre l'humanité. Pour l'association Sherpa, à l'origine de la plainte contre Lafarge, c'est un enjeu qui dépasse le financement du terrorisme pour lequel le cimentier est mis en examen. "Le but est de reconnaître la responsabilité de tous les acteurs dans ce dossier, et notamment des acteurs économiques dans les conflits armés", explique Marie-Laure Ghislain, responsable du contentieux de l'ONG.
"Nous espérons que la Cour de cassation saisira cette opportunité, justifiant la mise en examen de Lafarge pour complicité de crimes contre l'humanité", poursuit-elle au micro d'Europe 1. "Le financement du terrorisme et la mise en danger délibérée d'autrui aujourd'hui ne permettent pas de reconnaître qu'une multinationale peut être un acteur géopolitique et peut alimenter un conflit armé."
Lafarge a reconnu avoir financé indirectement des groupes armés dans le seul but de poursuivre son activité. Pour l'accusation, le cimentier ne pouvait pas ignorer le caractère terroriste des bénéficiaires. Toutefois, étant donné que l'on ignore comment l'Etat islamique a utilisé ces sommes, l'inculpation de complicité de crime contre l'humanité ne doit pas être retenue.