Est-ce un tir de LBD qui a touché à l'œil le "gilet jaune" Jérome Rodrigues, samedi dernier, place de la Bastille ? Les autorités avaient jusque-là émis des doutes sur la version du manifestant. Mais le journal Le Parisien a révélé mercredi qu'un policier a reconnu s'être servi de son lanceur de balles de défense dans ce même créneau horaire… Ce qui ajoute à l'incertitude.
Un mauvais horaire d'abord indiqué. Le policier en question a tiré l'une des 18 balles de défense utilisées samedi par les forces de l'ordre place de la Bastille. Mais dans son premier rapport, ce membre d'une compagnie de sécurisation et d'intervention s'était semble-t-il trompé d'horaire. En effet, dans une seconde note adressée mardi à sa hiérarchie, il a rectifié sa version avec une demi-heure de décalage par rapport à ses premiers dires. Dans ce document, le policier dit avoir tiré dans le créneau correspondant à la blessure de Jérôme Rodrigues. Toutefois, selon nos informations, il affirme qu'il visait quelqu'un d'autre.
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L'enquête se poursuit. L'IGPN, la police des polices, essaie de tirer tout cela au clair en exploitant notamment toutes les vidéos disponibles. Dans une séquence amateur diffusée par l'émission Quotidien, on peut voir un membre des forces de l'ordre faire usage de ce LBD, mais les images ne montrent pas s'il a touché ou non un manifestant.
Prudence à l'Intérieur. Du côté de la Place Beauvau, on se montrait toujours très prudent mercredi. Le rapport du policier ne permet pas de connaître la nature du projectile qui a atteint l’œil de Jérôme Rodrigues. S'agit-il d'une balle en caoutchouc de LBD, ou d'un éclat de la grenade de désencerlement qui a explosé à ses pieds juste avant qu'il s'écroule au sol ? Le ministère de l'Intérieur se garde bien de tout pronostic.
Les LBD, "ce sont des armes de guerre"
Faut-il interdire l'usage de balles de défense durant les manifestations ? Le Conseil d'Etat va devoir répondre après avoir examiné, mercredi, des recours déposés par la CGT et la Ligue des Droits de l'Homme. Pour Maître Arié Halimi, avocat de la Ligue des Droits de l'Homme, les forces de l'ordre ne peuvent plus utiliser de telles armes face à des civils.
"Vous avez vu les personnes qui ont perdu un œil, qui sont dans le coma, qui ont des hémorragies cérébrales… Ce sont des armes de guerre qui sont classifiées comme telles par le Code de la sécurité intérieure. Il est temps de cesser d'utiliser du matériel de guerre contre des civils", exhorte-t-il. "Bien évidemment, il y a de la violence contre les fonctionnaires de police, mais ce ne sont pas ces armes qui permettent d'éviter la violence et de se protéger. Il est temps que le maintien de l'ordre redevienne une intelligence", appelle l'avocat.
Samedi, pour l'"acte 12" des "gilets jaunes", une marche blanche sera organisée pour soutenir les personnes blessées durant les manifestations.