À Pont-sur-Sambre, Thérèse est "sous le choc". Dans le portrait que font les médias du suspect interpellé lundi, elle peine à reconnaître son voisin, un homme sans histoire. "Ça fait mal, parce que vous vivez à côté de quelqu'un, vous êtes bien avec quelqu'un et vous ne le connaissez pas…" En garde à vue, l'homme a pourtant reconnu les agressions sexuelles et les viols. Mis en examen pour des faits commis sur 19 femmes, il évalue même plutôt le nombre de ses victimes à "une quarantaine" depuis la fin des années 1980, selon le procureur de la République de Valenciennes, Jean-Philippe Vicentini.
Le même mode opératoire. Les enquêteurs l'avaient surnommé le "violeur de la Sambre", du nom de cette vallée du Nord, à cheval entre la France et la Belgique. Pendant des années, il a reproduit le même mode opératoire, agressant des femmes au petit matin, dans le noir, les mains gantées, portant parfois un bonnet. Les portraits robots dessinés selon les instructions des victimes étaient peu concluants, mais les faits suffisamment similaires pour qu'une information judiciaire soit ouverte en 1996. Sans succès, malgré le prélèvement du même ADN sur plusieurs scènes d'agressions : il ne correspondait à aucun individu enregistré au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).
En février dernier, c'est une caméra de surveillance qui a finalement mis les enquêteurs sur la piste du suspect. Prenant la fuite après avoir agressé une adolescente, l'homme a été filmé au volant de sa voiture, dont la plaque d'immatriculation, française, était en partie lisible. Au terme de quelques semaines d'intense collaboration des polices franco-belges, le suspect de 57 ans a été arrêté alors qu'il sortait de chez lui. À son domicile, les enquêteurs ont découvert des armes blanches, correspondant au mode opératoire décrit par les victimes.
"Aucun geste déplacé". Dans le village d'environ 2.500 habitants, la nouvelle fait l'effet d'une bombe. "Je me sens un peu trahi, comme tout le monde", lâche le maire, Michel Detrait. "Après un match de football, il nous arrivait d'aller manger une frite chez lui, ou qu'il vienne à la maison. C'était quelqu'un qui savait se tenir, aucun geste déplacé… Franchement, tout le monde tombe de haut." L'édile pense "aux victimes", mais aussi "à son épouse, et ses enfants". Car le suspect, père de trois adultes, venait d'être grand-père. D'après 20Minutes, il s'occupait quotidiennement de son beau-père, âgé. Impliqué dans plusieurs associations de la commune, "il était un homme comme tout le monde."
"Quand je suis arrivé au boulot ce mercredi matin, j'ai annoncé la couleur, on en a discuté avec les filles de l'entreprise", a raconté au Parisien Mario, le frère du mis en examen. Pendant plusieurs années, tous deux ont travaillé au sein de la même société familiale, quittée par le suspect en 2005 après une "brouille". "Aucune (des anciennes collègues du violeur présumé, ndlr) n'a jamais relevé le moindre commentaire salace, ni même un regard étrange, aguicheur ou appuyé", insiste-t-il. "C'est quelqu'un qui a toujours été jugé comme bienveillant par ceux qui le côtoyaient."
L'enquête devra déterminer comment ce père de famille, qui "collabore activement" aux investigations, a échappé aux autorités pendant près de trente ans. Jamais condamné, l'homme n'était pas enregistré dans les bases de données des forces de l'ordre. Ses victimes, mineures ou majeures, ne présentaient pas de profil particulier. "On est face à un éventail très large", a commenté Jean-Philippe Vicentini, pour qui "il n'est pas rare de voir des gens qui sont complètement insérés et qui, malgré tout, commettent ce type de faits." Et d'avancer : "On avait certainement affaire à un mis en cause susceptible d'agir dans le futur. Son interpellation va permettre de mettre fin à cette longue série de violences sexuelles."