Le débat n'est pas nouveau, mais il est relancé par une consultation publique, lancée ces jours-ci par le gouvernement et qui doit durer jusqu'au 19 juin. Les ministères de la Transition écologique et solidaire et de l'Agriculture interrogent les citoyens sur une décision déjà entérinée : celle d'autoriser l'augmentation du quotas de loups qu'un éleveur peut abattre en cas d'attaque de son troupeau. Entre bataille des chiffres - environ 500 loups en France, 12.000 brebis tuées l'année dernière -, arguments écologiques et nécessités économiques, les invités du Tour de la question ont échangé sur ce débat sensible, jeudi sur Europe 1. Deux d'entre eux présentent des arguments pour répondre à cette question : est-il simplement possible de faire cohabiter les loups et les troupeaux dans les montagnes françaises ?
OUI. Olivier Guder, vice-président de l'association Ferus, de protection et de conservation de l'ours, du loup et du lynx en France.
"Le lobby le plus important pour demander l'augmentation du tir de loup, ce ne sont pas les chasseurs mais les éleveurs. Il faut savoir qu'en Espagne, qui est un État voisin et de taille comparable à la France, il y a environ 2.000 loups. L'Italie compte aujourd'hui environ 1.500 loups. Il y a plusieurs milliers de loups en Roumanie. Le chiffre de 500 est donc faible par rapport à la taille du territoire français, et par rapport à la possibilité pour le loup de s'étendre sur de nouveaux territoires. Il est pour l'instant présent essentiellement sur le quart sud-est, avec quelques individus dans le massif central, un petit peu dans les Pyrénées aussi, et un petit peu dans les Vosges.
Le loup bénéficie d'un statut de protection au niveau européen, il est classée vulnérable. Le Muséum d'histoire naturelle a émis un avis en 2017, où il recommandait, pour avoir une population viable, une population minimum de 2.500 individus. Le chiffre de 500 n'a pas lieu d'être considéré comme un plafond à ne pas dépasser en France.
La solution pour avoir une cohabitation à long terme avec l'élevage c'est de mettre en place des moyens de protection qui sont adaptés. Au lieu de multiplier les tirs, il faut faire des constats sur les manques de protection, faire des diagnostics sur les zones où il y a des attaques récurrentes. On ne demande pas la disparition de l'élevage, bien évidemment. Ces moyens de protection existent, ce sont les chiens patous (des chiens de berger, ndlr), c'est la surveillance humaine à proximité immédiate des troupeaux, et c'est le regroupement nocturne. Lorsque ce triptyque de protection est mis en place de façon suffisante par rapport à la taille d'un troupeau, le risque d'attaque est pratiquement nul."
NON. Sébastien, éleveur de bovins et d'ovins à Bagnères-de-Luchon, en Haute-Garonne
"Je comprends que depuis les villes, défendre le loup c'est extraordinaire. Mais le loup a été traqué au 19ème siècle, ce n'est pas nouveau, et s'il a été traqué c'est parce qu'à l'époque il s'attaquait aux troupeaux. Il fallait défendre les troupeaux, non pas pour faire plaisir aux éleveurs, mais pour nourrir la population. Aujourd'hui nous sommes dans un pays riche où nous avons la chance de nous nourrir assez facilement donc nous plaçons la nourriture au second plan.
Nous sommes en fait dans un effet ciseau. Nous travaillons dans des zones de prairie et de montagne, qui sont très intéressantes pour la biodiversité. À titre d'exemple, nous avons les animaux en estive sur des zones quasi à 100% Natura 2000 (des sites classés par l'Union européenne en raison de la valeur patrimoniale de leur faune ou leur flore, ndlr), où des diagnostics pastoraux ont été faits et prouvent l'intérêt du pastoralisme. Or c'est impossible de faire cohabiter le pastoralisme de haute altitude, où on ne peut pas aller clôturer, où on ne peut pas aller mettre 25, 30 ou 40 Patou, parce que nous sommes dans des zones ultra-touristiques. Il faut savoir que les Patou défendent leur troupeau, donc s'attaquent aussi à l'humain si l'humain s'approche du troupeau.
Que faisons-nous de ces zones-là ? Nous sommes dans des zones où nous produisons de la viande de qualité, ce que le consommateur nous demande aujourd'hui. Moi l'inquiétude que j'ai, j'ai 42 ans j'ai fait le choix de reprendre l'exploitation familiale après un parcours de commercial, alors que je gagnais très bien ma vie. Aujourd'hui, j'ai l'impression que je n'ai pas choisi mon métier, alors que je l'aime avec amour. Essayez d'aider des gens qui méritent de vivre de leur travail. C'est un cri du cœur. Dans nos zones, nous sommes les premiers à défendre l'environnement, de tout temps."