Les Alpes, la nouvelle route des migrants pour entrer en France

Le col de l'Échelle, capté en juin 2011 par Google Street View.
Le col de l'Échelle, capté en juin 2011 par Google Street View. © Capture Google Street View
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Jean-Jacques Héry, édité par R.Da. , modifié à
ENQUÊTE - Les réfugiés empruntent maintenant une route beaucoup plus difficile pour entrer sur le territoire français depuis l’Italie. 
L'ENQUÊTE DU 8H

C'est un nouveau point de passage. Depuis la quasi-fermeture du passage de la vallée de la Roya dans les Alpes-Maritimes, les migrants cherchent d’autres routes, plus au nord, pour franchir la frontière et passer d’Italie en France. Ils n’hésitent plus à traverser les Alpes. Depuis l’année dernière, chaque jour, des migrants arrivent à Briançon dans les Hautes-Alpes. Entre cinq et vingt migrants par jour en moyenne. Tous ont franchi le col de l’Echelle, l’un des plus bas des Alpes, qui culmine à 1.762 mètres tout de même. Cette année, environ 1.600 migrants y sont passés et plus de 60 % se déclarent mineurs. Le reporter d'Europe 1 a pu rencontrer quelques uns des acteurs de ce concentré de crise migratoire qui a changé la vie dans le Briançonnais.

Deux jours dans la neige. Mercredi matin, comme tous les autres matins, la montagne, à nouveau, charrie des hommes. Hagards, le regard apeuré, six migrants découvrent leur premier abri français : une ancienne caserne prêtée par la mairie de Briançon. Ils ont droit à un repas chaud, des matelas au sol et enfin un peu de repos. Moussa est arrivé mercredi soir. Épuisé, ce jeune Ivoirien de 18 ans semble encore sonné, perdu. "On a passé deux jours dans la montagne, sans manger, sans boire. Si on avait soif, on prenait de la neige", raconte-t-il.

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" On a passé deux jours dans la montagne, sans manger, sans boire. Si on avait soif, on prenait de la neige "
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Risque de mort. Là-haut, la température oscille entre -3 et -4 degrés, mais avec l'avancée de l'hiver, ce sera bien pire, explique Charles Maupas, médecin urgentiste à l'hôpital de Briançon. "On les voit arriver avec des vieilles baskets, plusieurs couches de pantalon, qui ne sont pas adaptés au froid. Les températures sont de plus en plus froides, la neige est déjà arrivée, il va encore y en avoir beaucoup. Des risques de gelures graves, d’hypothermie profonde, tout cela cumulé risque de causer la mort de ces patients-là, s'ils restent trop longtemps isolés dans la montagne", pointe-t-il.

La solidarité des habitants. Pour empêcher des drames de ce type, les montagnards ont tissé un réseau clandestin. À Névache, le premier village traversé par les migrants, à vingt kilomètres de Briançon, lorsque des silhouettes frigorifiées tapent au carreau, discrètement les riverains ont pris l'habitude de les accueillir et de les nourrir. Ensuite, il faut les descendre vers Briançon, un trajet de plus en plus en plus difficile à effectuer avec la multiplication des contrôles. "On n'a jamais vu autant de gendarmes que depuis quelques mois. Il y a des barrages systématiques. […] On nous fait ouvrir le coffre. S'il y a des migrants, tout de suite on est auditionné. On essaie de ruser…", confie Jean-Gabriel.

Même les mineurs sont reconduits à la frontière. Ceux que la police arrête sont reconduits à la frontière, et même quand ils se disent mineurs et devraient donc être pris en charge. "Je leur ai dit mon âge, seize ans, mais ça n'a pas réussi. Ils nous ont fait retourner. Ils nous laissent à la frontière. On voulait aller en France mais c'est impossible, il y a trop de gardes là-bas. On va trouver une autre solution", déplore Jawad, un jeune Malien retourné à son point de départ, la gare de Bardonecchia du côté italien. Assis à côté de lui, Ahmed, un jeune Soudanais, secoue la tête. Après deux échecs successifs, il retournera dans la montagne à la poursuite de son rêve français.