C'est la fin de deux années de bataille judiciaire. Le Conseil constitutionnel a validé l'interdiction généralisée des coupures d'eau pour les résidences principales, y compris lorsque l'usager ne paie pas ses factures.
Une décision en marge d'un procès à Amiens. Le distributeur d'eau Saur avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) après avoir été attaqué en justice pour une coupure d'eau réalisée sur l'un de ses clients en Picardie. Le distributeur d'eau avait dénoncé "une atteinte excessive à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre".
Un de ses clients, chez qui l'opérateur avait coupé l'eau pendant plusieurs mois, avait déposé fin 2014 un recours devant le tribunal d'Amiens en Picardie. Le tribunal a ordonné le rétablissement immédiat de l'eau. Mais la décision judiciaire définitive était suspendue à la Question prioritaire de constitutionnalité.
Le même principe que la trêve hivernale. Dans sa décision, le Conseil a "jugé que l'atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre qui résulte de l'interdiction d'interrompre la distribution d'eau n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi par le législateur". Le Conseil a notamment déduit que "les distributeurs d'eau exercent leur activité sur un marché réglementé". En somme, que la Constitution protège l'intérêt général davantage que l'intérêt de l'entreprise.
La justice a ainsi validé la loi Brottes de 2013, qui interdit à tout distributeur de couper l'alimentation en eau dans une résidence principale même en cas d'impayé et cela tout au long de l'année. C'est la même loi qui a institué aussi le principe de trêve hivernale pour les coupures d'électricité et de gaz, pour tous les consommateurs sans distinction de revenus.
L'eau n'est "pas une marchandise". L'association France Libertés s'est immédiatement félicitée de la décision du Conseil constitutionnel, parlant d'un "verdict est sans appel" et de "l'aboutissement d'un long combat pour le respect de la loi et de la dignité des plus démunis". "Le droit à l'eau n'est visiblement pas la préoccupation des entreprises, notamment de la Saur et de Veolia", a regretté France Libertés, qui s'était portée partie civile. "Leur acharnement à faire passer leurs objectifs économiques avant les droits humains doit désormais être pris en compte par les collectivités et les élus quand ils prennent les décisions relatives à la mise en oeuvre de ce service public", a-t-elle ajouté, soulignant que "l'eau ne peut pas être traitée comme une marchandise".
La société Saur n'a pas souhaité commenter cette décision de justice.
D'autres fournisseurs condamnés. Au mois de mars, le Sénat avait tenté de réautoriser les coupures d'eau. Mais la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal s'était opposée à cette initiative.