"Métier formidable, salaire fort minable" : des milliers de salariés du secteur social, au service d'enfants en danger ou de personnes handicapées ou vulnérables, ont défilé mardi en France pour demander des revalorisations salariales et de meilleures conditions de travail, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les manifestants répondaient à l'appel d'une intersyndicale CGT-FSU-SUD-CNT, qui réclame une augmentation de "300 euros minimum pour tous". Ils étaient notamment 8.000 à Paris selon les organisateurs, 1.600 à 2.500 à Rennes, selon la préfecture et les syndicats, ainsi que 2.300 à Lille, 1.500 à Lyon et 1.000 à Grenoble, selon les préfectures.
"La précarité n'est pas un métier"
"Alerte rouge sur l'action sociale et le médico-social", "la précarité n'est pas un métier", "on fait du social, pas du bénévolat", proclamaient les banderoles. Les salariés en colère - dont beaucoup d'éducateurs spécialisés ou d'assistants sociaux - entendaient notamment protester contre le fait qu'ils n'ont pas bénéficié des revalorisations accordées aux soignants et à d'autres salariés du secteur médico-social dans le cadre du "Ségur" de la Santé. "Les promesses du Ségur, elles ont été tenues, mais pas pour tous les corps de métiers", a déploré Marc Bregent, 50 ans, croisé dans le cortège à Rennes. "Les kinés les ont eues mais pas les éducateurs spécialisés, ni les éducateurs de jeunes enfants ou les aides psychologiques", a ajouté cet éducateur, coiffé d'un bonnet de Père Noël.
"On en a ras-le bol, y'en a marre. Nous nous sentons totalement exclus, pas considérés", s'est indigné de son côté Samy Ben Amor, moniteur-éducateur dans un foyer pour adultes handicapés à Sartrouville (Yvelines), rencontré dans le défilé parisien.
"La débrouille, tout le temps"
"Les conditions de travail sont lamentables ! Nous voulons plus de moyens, des salaires plus élevés, et aussi que nos publics aient de véritables droits", a résumé Olivier Pira, représentant de Sud Santé sociaux, devant la foule des manifestants à Lille. "Les personnes handicapées, ou qui ont eu des ruptures dans la vie, doivent bénéficier de véritables accompagnements. Nous sommes un service public !", a-t-il ajouté.
Éducatrice spécialisée en service d'hébergement d'urgence, Sandrine, 42 ans, raconte n'avoir "pas les moyens d'accompagner dignement les personnes". "Alors on fait avec ce qu'on a : on ramène des choses de chez nous, on demande aux voisins ou des dons sur Facebook, pour que les personnes puissent s'habiller ou que les enfants accueillis puissent avoir un petit quelque chose à Noël. C'est de la débrouille, tout le temps", se désole-t-elle.
Avec "1.300 euros en début de carrière pour un bac+3 et des responsabilités importantes", pas étonnant que le métier de travailleur social peine à recruter, observe Alexandra, 46 ans, qui s'occupe d'enfants placés sous protection en "milieu ouvert" par la justice. Ces "enfants en danger" ont besoin d'un "accompagnement spécifique" pour eux et leurs parents, mais certains doivent "attendre" plusieurs mois avant d'en bénéficier, a-t-elle ajouté.
Interrogée sur ce dossier à l'Assemblée nationale, la secrétaire d'État chargée du Handicap, Sophie Cluzel, a rappelé que le gouvernement comptait organiser avant le 15 janvier une "conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social". "L'État a fait sa part" en revalorisant les salaires des soignants et d'autres catégories professionnelles, et cette conférence - qui associera employeurs, syndicats et conseils départementaux - permettra d'avancer pour que les métiers de l'accompagnement bénéficient d'une "juste reconnaissance", a souligné Mme Cluzel.