L'esprit "Charlie", trois ans après : "Très vite, ce qui nous divise reprend le dessus"

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C.O.
Pour Michel Wieviorka, sociologue invité dimanche sur Europe 1, après l'unité face aux attentats, la politique et les conflits ont repris rapidement leurs droits.
INTERVIEW

Le 11 janvier 2015, quatre millions de personnes descendaient dans les rues de France, avec un slogan "Je suis Charlie". Une réponse citoyenne à la tuerie perpétrée dans les locaux de Charlie Hebdo le 7 janvier, suivi quelques jours plus tard par la prise d'otages sanglante de l'Hyper Cacher. Trois ans plus tard, la foule n'est plus tout aussi "Charlie" qu'auparavant. Selon une étude de l'institut Ifop, 61 % seulement des Français disent se sentir "Charlie", contre 71 % l'an dernier. "C'est quelque chose qui décroît car, dans un moment aussi terrible, ces deux attentats l'un derrière l'autre, évidemment ça soude le corps social. Mais très vite, ce qui nous divise reprend le dessus", constate Michel Wieviorka, sociologue, président de la Fondation maison des sciences de l’homme, auteur de "Antiracistes", invité dimanche dans C'est arrivé demain sur Europe 1.

La question de l'islam. "La politique a repris ses droits, tout comme les conflits, les débats. On parle de Charlie et puis aussitôt après on parle de laïcité et on voit des gens commencer à s'empoigner", ajoute le sociologue, pour qui le problème n'est pas la question de la laïcité, mais la question de l'islam. "Je pense que la loi de 1905 est tout à fait suffisante. Elle a été faite en 1905 pour permettre la séparation des églises et de l'État. Mais le problème aujourd'hui, ce n'est pas de séparer l'islam de l'État français. La question est plutôt de savoir comment faire en sorte que l'islam soit traitée comme les autres religions dans un système politique qui a totalement changé en trois ans", précise Michel Wieviorka. "On a aujourd'hui une situation avec un pouvoir fort, de centre-droite, les débris d'un système politique, les droite et gauche classiques et ensuite les extrémistes. Dans un tel paysage, pour exister politiquement si vous n'êtes pas au cœur du système, vous avez tendance à vous radicaliser" sur la façon d'aborder la laïcité , analyse-t-il.