Les habitants de la région se sont prononcés pour, mais le président de la République confiait avoir des doutes sur le fait que le projet sortirait un jour de terre. Ce lundi, les sept juges de la cour administrative d’appel de Nantes ont validé les cinq arrêtés autorisant le début des travaux. Et ce, en dépit de l'avis du rapporteur public. Le débat n'est pas clos pour autant : les opposants ont d'ores et déjà annoncé qu'ils allaient saisir le Conseil d'Etat, la plus haute instance administrative.
Pris en décembre 2013, ces arrêtés autorisent le concessionnaire du futur aéroport, une filiale de Vinci, et l'Etat, à déroger aux interdictions de destructions des zones humides et des espèces protégées. Cette dérogation au code de l’environnement n’est possible qu’à deux conditions : parce que le projet a été déclaré d’intérêt public majeur en 2008 et parce qu'il n’existe pas de solution alternative satisfaisante. C’est ce dernier point que contestait le rapporteur public. Dans un avis émis le 7 novembre, Christine Piltant a estimé qu’une optimisation de l’aéroport déjà existant était une option "crédible". Si son avis avait été suivi, le fondement juridique des travaux aurait donc été illégal.Retour sur les arguments des pros et des antis.
- L’aéroport actuel est-il obsolète ?
La rapporteur public le reconnaît, l’aéroport Nantes-Atlantique tel qu’il existe actuellement n’est pas "idéal". Non seulement, il est situé à proximité du centre-ville et engendre des nuisances sonores, mais surtout, il n’est pourvu que d’une seule piste. C’est cet argument qui est avancé par les pros, depuis le début des années 2000 pour justifier le projet. Selon eux, l’engorgement est proche. D’après la direction de l’avion civile, le trafic a connu en 20 ans une croissance régulière annuelle de 5%. Et ce, malgré l’arrivée du TGV. A ce rythme, il pourrait atteindre en 2020 son seuil de saturation, soit 4,3 millions de passagers.
Faux, rétorquent les antis. Ils reprochent à Jean-Marc Ayrault et son équipe de "tabler" sur une augmentation à coup sûr du trafic aérien sans prendre en compte le fait que, selon certains analystes, il pourrait décliner en raison de l'augmentation du coût du carburant et de la crise économique. D'autant que, selon eux, l'aéroport actuel peut contenir largement plus que 4 millions de passagers. Au moment de l'irruption du volcan islandais en 2010, qui avait entraîné le détournement de nombreux vols de Paris vers Nantes, le trafic avait été multiplié par trois sans que cela n'entraîne de paralysie.
- L’aéroport actuel peut-il être rénové ?
Les partisans du projet justifient la nécessité de créer un nouvel aéroport à une vingtaine de kilomètres de Nantes par l’impossibilité d’agrandir celui existant déjà. Selon le syndicat mixte, sa situation entre une réserve naturelle et le centre-ville empêche la création d’une seconde piste. Un avis que ne partageait pas la rapporteur public. Dans son rapport, elle affirme que le réaménagement de l’aéroport actuel est non seulement possible mais "présente des inconvénients moins dommageables" que la construction ex-nihilo d’un nouveau complexe. De plus, le coût des travaux est moins élevé : 825 millions d’euros pour une capacité de 9 millions de passagers contre 992 millions pour autant de passagers à Notre-Dame-des-Landes.
- L'écologie menacée ?
L'aéroport de Notre-Dame-des Landes sera "le plus écologique du monde", assurent les défenseurs du site. Aérogare basse consommation, toit végétalisé, distance entre les pistes d'atterrissage et embarquement réduit au maximum... Les concepteurs du projet tablent sur un bilan carbone positif... en 2072.
Des efforts qui font rire jaune les militants écologiques. Selon eux, ces initiatives représentent une goutte d’eau comparée aux émissions de gaz à effet de serre liées à l'augmentation du trafic. D'autant que la construction du site entraînera la destruction de 1.640 hectares de bocage, dont une partie est classée zone d'intérêt écologique, faunistique et floristique. D'autre part, le projet d'une ligne tram-train pour relier le centre-ville à l'aéroport est certes envisagé mais n'a pas encore été formellement acté. En attendant sa construction, les usagers de l'aéroport devront donc s'y rendre en voiture.
- Le dynamisme économique en question
Le dynamisme économique du nouvel aéroport est un des arguments de poids des pro. "La présence d'un aéroport international constitue un atout majeur pour le développement économique du Grand-Ouest", écrivait dans un rapport de 2010 le syndicat mixte d'études de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Objectif principal : désenclaver la région et faciliter l’ouverture à l’international. Par ailleurs, sa construction devait créer environ 4.000 emplois. Une fois terminé, le nouvel aéroport pourrait être à l'origine de "3.250 emplois directs et 2,8 fois plus d'emplois indirects", estimait la Chambre de commerce et d'inductrie (CCI). A l'heure actuelle, le site fait vivre entre 2.000 et 2.500 personnes.
Les antis rejettent en bloc ces deux arguments. Selon eux, le projet de la LGV Rennes-Paris prévu pour 2020-2025 est amplement suffisant et permettra aux habitants de la région de gagner rapidement les aéroports parisiens. Par ailleurs, les estimations de création d’emplois sont, selon eux, surévaluées. Le nouveau site entraînerait la disparition d'une centaine d'emplois agricoles ainsi que des emplois indirects (une exploitation agricole ferait vivre jusqu'à cinq autres salariés en moyenne, selon la Confédération paysanne). D'autre part, d'après une étude commandée en 2010 par l'Etat, moins d'une centaine d'entreprises prévoient de s'installer dans les environs.