Les députés ont voté jeudi soir l'élargissement des possibilités de contrôles d'identité à proximité des frontières, dernier article très controversé du projet de loi antiterroriste débattu depuis lundi et qui sera soumis au vote solennel de l'Assemblée le 3 octobre.
Contrôles aux abords des gares, aéroports et ports. Le texte prévoit de rendre les contrôles d'identité possibles "aux abords des gares" (et non plus à l'intérieur seulement) ainsi que "dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour des ports et aéroports" internationaux les plus sensibles qui seront désignés par arrêté parmi une liste de 118 points de passage frontaliers. Il prévoit aussi de faire passer de six à douze heures la durée maximale du contrôle.
Exception européenne. L'exécutif justifie notamment cette mesure par le fait que la dérogation au code Schengen accordée à la France pour rétablir ses contrôles aux frontières intérieures depuis les attentats du 13 novembre 2015 expire le 31 octobre, au bout des deux ans autorisés. A droite, les Républicains ont critiqué cette disposition, réclamant par Guillaume Larrivé (LR) "le maintien inconditionnel des contrôles aux frontières" contre "une lecture bureaucratique du code Schengen".
La ministre Jacqueline Gourault, qui supplée Gérard Collomb, a rappelé que la Commission européenne, "sur une demande franco-allemande", a proposé mercredi d'allonger cette dérogation jusqu'à trois ans dans des cas exceptionnels, pour s'adapter à de "nouvelles menaces" comme le terrorisme. Mais cette modification au code Schengen devra encore faire l'objet d'un accord entre États membres, puis avec le Parlement européen. Dans l'intervalle, la ministre n'a pas exclu que la France notifie le 1er novembre à la Commission européenne une prolongation de ses contrôles aux frontières. "Le gouvernement français prendra toutes ses responsabilités au 1er novembre", a-t-elle dit.
La gauche de la gauche s'y oppose. Communistes et Insoumis se sont opposés à cet article, reprenant les inquiétudes des associations qui redoutent de voir ces dispositions s'appliquer essentiellement à la lutte contre l'immigration et craignant davantage de "contrôles au faciès". "Tous les jours je rencontre des jeunes qui sont contrôlés sur leur visage", a dénoncé Bastien Lachaud, député de Seine-Saint-Denis. "Les populations non blanches vont être contrôlées plus souvent", a renchéri le communiste Jean-Paul Lecoq.
Olivier Dussopt (PS) avait déposé un amendement pour rappeler explicitement que les contrôles au faciès sont interdits afin "de rassurer" ceux qui sont inquiets. Cet amendement a été rejeté, le rapporteur Raphaël Gauvin (LREM) rappelant que le Conseil constitutionnel interdisait déjà les contrôles au faciès et que l'État avait déjà été condamné en Cassation. De son côté, la ministre a assuré que ce texte "n'était pas là pour empêcher les demandeurs d'asile d'entrer en France". "Mais vous vous rappelez que les terroristes du stade de France ont pris les routes migratoires", a-t-elle ajouté.