Avant la dépénalisation de l'avortement en France en 1975, une loi a ouvert la porte au droit des femmes à disposer de leur corps : la loi Neuwirth, autorisant l’usage des contraceptifs, votée en 1967. Mardi, Christophe Hondelatte raconte comment ce projet a vu le jour, porté par la conviction du député de la Loire, Lucien Neuwirth.
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L'exception française. Lucien Neuwirth découvre la contraception pendant la Seconde Guerre mondiale, à Londres. En effet, en Angleterre, les pilules spermicides sont en vente libre, tout comme aux États-Unis. Après le conflit, alors qu'il est le maire-adjoint de Saint-Étienne, en charge des divorces et de l’aide sociale, l'homme voit défiler dans son bureau des femmes épuisées par les grossesses à répétition. Lucien Neuwirth le décide alors : son combat sera pour les femmes. En France, depuis une loi de 1920, le contraception est pénalisée. "Il est interdit de faire de la propagande et de prescrire des moyens contraceptifs", rappelle l'historienne Annette Wieviorka au micro d'Europe 1.
Une question légitime et moderne. En 1958, Lucien Neuwirth est élu député de la deuxième circonscription de la Loire. À l'Assemblée nationale, il a désormais l'occasion de porter son idée d'autorisation de l'usage des contraceptifs. Alors que l'élection présidentielle de 1965 approche, François Mitterrand, opposant principal à Charles de Gaulle, fait savoir qu'il est favorable à la légalisation de la pilule. De Gaulle sait qu'il ne doit pas laisser l'avantage à son concurrent sur cette question. Il charge alors son ministre des Affaires sociales de convoquer un conseil de sages, charger de mesurer les effets de la pilule.
"Un acte lucide". L'élection passée, De Gaulle réélu, les sages rendent leur verdict : ils ne voient aucun obstacle à la légalisation de la pilule contraceptive. Lucien Neuwirth rencontre le général de Gaulle. Il le persuade qu'il est temps, pour les femmes, d'avoir la possibilité de maîtriser leur fécondité. "Vous avez raison, transmettre la vie, c'est important. Il faut que ce soit un acte lucide", lui répond le président. Au-delà du coup politique, l'historienne Annette Wieviorka explique qu'"il n’est pas impossible que De Gaulle ait acquis une véritable conviction". Lucien Neuwirth, surnommé dans la presse "Lulu la pilule", se dit que le pouvoir politique est mûr : il dépose son projet de loi.
Malgré l'aval de Charles de Gaulles, Lucien Neuwirth sait que la partie n'est pas gagnée. "En France, il y a eu deux forces qui se sont opposées : le catholicisme et le parti communiste", explique l'historienne Annette Wieviorka. Des députés gaullistes étaient aussi opposés au projet. Mais finalement, après des journées de débat, la loi est adoptée le 19 décembre 1967, par 271 voix pour et 201 contre. La pilule entre enfin dans la vie des femmes françaises.