Pour lutter contre les inégalités sociales et scolaires au sein de l'école, particulièrement prononcées en France, les gouvernements successifs s'appuient depuis plus de 30 ans sur l'éducation prioritaire. Un dispositif qui "ne marche pas", estime un rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) publié mardi.
Des "effets pervers". Si plusieurs facteurs expliquent l'aggravation des inégalités sociales dans l'école française, le Cnesco a surtout étudié "les effets pervers" de l'éducation prioritaire, mise en place il y a plus de 35 ans pour aider les établissements situés dans des zones socialement défavorisées. Conçue à l'origine pour être temporaire, elle perdure encore en 2016, avec des effectifs croissants (10% des collégiens en 1982, plus de 20% en 2015).
Des établissements "stigmatisés". Selon le Cnesco, la stigmatisation des établissements classés en éducation prioritaire, avec le départ des familles les plus favorisées, le rétrécissement de la composition sociale de ces écoles et la dégradation du niveau des élèves. Des effets qui accroissent les ségrégations sociale et scolaire dans les établissements français, déjà très prononcées. "Au lieu de lutter contre la ségrégation, on dit qu'on donne plus de moyens, manière de la rendre plus acceptable moralement", a déclaré Nathalie Mons, présidente du Cnesco.
Moins d'enseignements. Les établissements en éducation prioritaire bénéficient certes de moyens supplémentaires, mais qui ne suffisent pas à créer une véritable différence. Ainsi, les classes ne comptent en moyenne que deux élèves de moins que dans les établissements classiques. À l'inverse, les élèves, souvent défavorisés, de ces écoles et collèges ont des temps d'enseignement plus courts (à cause de problèmes de discipline), des enseignants moins expérimentés, davantage de non-titulaires (contractuels non formés), un climat scolaire moins favorable et un entourage de "pairs" peu porteur. Bref, "on est loin du mythe de l'égalité des chances (...) et plus encore de la promesse de 1982 de 'donner plus à ceux qui ont moins'", estime le rapport. "On a plutôt des preuves que ça ne marche pas mais on continue. Les pays qui avaient adopté ce dispositif l'ont tous abandonné, car ses effets pervers sont plus nombreux que les effets positifs", affirme Georges Felouzis, un des chercheurs ayant participé à ce rapport qui compte une vingtaine de contributions.