Marine Barnérias a 25 ans. Elle a appris à l'âge de 21 ans qu'elle était atteinte d'une sclérose en plaques, qui était alors une maladie complètement inconnue pour elle. En 2017, elle a publié un livre sur le sujet intitulé "Seper Hero, le voyage interdit qui a donné du sens à ma vie" (Flammarion). Au micro d'Olivier Delacroix sur Europe 1, elle raconte le cheminement qu'elle a fait pour arriver à accepter sa maladie.
"La sclérose en plaques était une maladie complètement inconnue pour moi alors que c'est quand même la maladie qui crée le plus de handicaps après les accidentés de la route. J'avais souvent vu cette maladie à la télé ou dans des films (...)
Les premiers symptômes, je me suis retrouvée dans une boîte noire. Du jour au lendemain, j'ai commencé à perdre la vue à plusieurs reprises. C'est une maladie qui fonctionne par poussées. J'ai eu une première poussée où j'ai perdu la vue une première fois et quelques mois après, j'ai eu une deuxième poussée qui m'a encore fait perdre la vue. C'est à partir de cette deuxième poussée que l'on m'a diagnostiqué ce fameux mot qui claque, la sclérose en plaques.
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"Au début, ça a été le choc total"
C'est une maladie auto-immune, on se détruit nous-mêmes. C'est-à-dire que ce sont nos anticorps qui viennent attaquer nos nerfs et qui viennent couper la connexion. C'est pour ça que l'on appelle cette maladie sclérose en plaques parce que ça fait des plaques sur notre système nerveux.
Les maladies, on ne les prévoit pas, on ne les commande pas, ce n'est pas quelque chose qu'on attend. Quoi qu'il arrive, que ce soit la sclérose en plaques ou une autre pathologie, on est scotché, on est à terre. Au début, ça a été le choc total. Je me suis dit : 'J'ai 21 ans, je vais finir ma vie soit aveugle, soit handicapée de la tête aux pieds.' Il y a vraiment un tableau noir qui s'inscrit en face de nous. Après, j'ai commencé à me dire : 'Écoute Marine, essaye déjà d'apprivoiser ce qui vient d'arriver dans ta vie et d'essayer de commencer par l'accepter.' Ça, c'est un long voyage.
Je n'aime pas dire que j'ai une sclérose en plaques, je préfère dire que j'ai une petite Rosy dans ma vie. J'appelle à ne surtout pas faire ce que j'ai fait sur mon lit d'hôpital. Quand on ne connaît pas, on va chercher sur les réseaux sociaux et c'est la pire des choses à faire. Ce qui ne va pas et toutes les plus grandes de nos peurs sont sur internet, sont sur les réseaux sociaux. Il y a une espèce de tableau noir du futur qui arrive.
Mais tout est possible dans la vie. C'est possible de voir la maladie comme notre voisin peut la décrire mais c'est aussi possible de se créer sa propre vision et sa propre cohabitation avec la maladie. Donc vraiment, j'encourage les gens qui viennent d'être diagnostiqués, d'autres maladies aussi, à ne pas taper le nom de leur maladie sur les réseaux sociaux, c'est très important.
"Avant de se dire quel traitement on va prendre, il faut se demander ce qu'on aime dans la vie"
Mon refus du traitement, c'est quelque chose de très personnel. Ça a été ma propre décision. Ce qu'il s'est passé, c'est que je me suis dit : 'Marine, avant de prendre des traitements, avant de partir dans ce chemin scientifique, que je ne critique absolument pas, qui je suis ? J'ai une maladie auto-immune, c'est-à-dire que c'est mon propre organisme qui s'auto-détruit, je vais d'abord commencer à comprendre qui je suis et aller chercher la solution en moi. Qu'est-ce que j'aime dans la vie ? J'ai un corps qui me lâche, est-ce-que j'écoute ce corps-là ?'
J'ai un esprit qui est indomptable et pour moi, on a tous une âme. Donc je suis partie découvrir qui j'étais à travers un voyage initiatique. En revenant de ce voyage-là, je ne me suis pas dit 'c'est le développement personnel qui est mieux que le développement scientifique'. Je me suis dit que les deux sont importants. C'est vraiment fondamental. Et mon message, c'est de replacer l'humain au cœur des choses. Avant de se dire quel traitement on va prendre, il faut se demander ce qu'on aime dans la vie. Et quand on a cette réponse-là, on peut prendre le meilleur des traitements.
Il y a quelque chose qu'on oublie quand on est atteint de maladie neurodégénérative et de toutes pathologies confondues. On oublie de s'écouter. Dès qu'on est atteint de quelque chose, quel qu'il soit dans la vie et surtout d'une maladie comme celle-là, ça devient notre meilleur ami. Et quand la peur commence à dicter nos choix, on s'éloigne de tout ce qui peut nous faire du bien.
Mon aventure m'a fait comprendre une seule chose, c'est l'importance d'écouter notre petite voix intérieure qui bouillonne en chacun d'entre nous. Il y a des stades d'évolution différents de la sclérose en plaques mais le point commun qu'on a tous, c'est de réussir à avoir encore un cœur qui bat. Ce cœur-là, il nous communique des choses, il nous communique des messages, il nous communique des envies. Et ces envies-là, il ne faut jamais les lâcher.
"Dans sclérose, il y avait quelque chose de plus joli, c'était rose"
Dans la vie, indépendamment de la maladie, c'est très compliqué d'être connecté à soi-même avec tous les réseaux sociaux, tout ce qui nous entoure aujourd'hui. En plus de ça, quand on a un intrus qui arrive dans notre vie et qu'on ne lui a rien demandé, j'avais l'impression de vivre avec une autre personne que je détestais, que je ne voulais montrer à personne. Je ne voulais absolument pas que les gens dans la rue, dans mon entourage, dans mon travail, puissent se dire : 'Marine est atteinte d'une sclérose en plaques.' Donc je me suis dit que j'allais partir. Je partais à deux et je voulais revenir unie, avec ma maladie et moi-même, arrêter de lutter contre les choses mais être pour la vie.
Quand on lutte contre les maladies, on ne les accepte jamais et le processus d'acceptation est beaucoup plus long. Donc ce voyage me permettait de me reconnecter et de revenir avec cette sclérose en plaques dans ma vie. Après, je me suis rendue compte qu'il y avait la puissance des mots. Aujourd'hui, on peut tuer les gens avec des mots. Quand on m'a diagnostiqué la maladie, quand je suis allée regarder sur les réseaux sociaux après, tous les mots que l'on emploie sont des mots qui peuvent nous dévaster. Et le mot sclérose en plaques, je le trouve tellement moche. C'est comme cancer, comme divorce, comme chômage.
Dans sclérose, il y avait quelque chose de plus joli, c'était rose. Je ne suis pas très girly comme nana mais j'ai voyagé avec Rosy. Quand on commence à mettre des mots beaucoup plus jolis sur les choses que l'on trouve très laides, la vie est complètement différente. Donc j'ai commencé à cohabiter avec Rosy.
Aujourd'hui, ma maladie est présente dans ma vie, elle est toujours présente dans mon cerveau. Maintenant, la vision que j'ai avec Rosy, c'est que je ne sais pas de quoi demain est fait. Demain je peux être handicapée, je peux perdre mes jambes, je peux perdre ma main gauche, je peux encore perdre ma vue. Je vis dans l'imprévu de ce qui peut se passer. J'essaye de lever le pied sur mes activités professionnelles et de faire des choses qui ont du sens pour moi, de faire des choses qui vont me faire du bien.
"Rosy m'a permis de voir la vie un petit peu différemment"
Je pense que les maladies nous parlent aussi et je pense que la vie professionnelle, la vie personnelle, l'entourage et la manière dont on voit notre vie, c'est un ensemble. Je pense que Rosy m'a permis de voir la vie un petit peu différemment et d'essayer d'avancer sur des projets qui ont du sens et qui vont m'accompagner pour cohabiter avec elle et ne pas la mettre de côté et surtout ne pas l'oublier."