C'est un nouvel acte dans l'un des plus grands scandales sanitaires français. Des personnalités du monde médical mais aussi de la société civile se mobilisent contre le comportement du laboratoire Servier envers les victimes du Mediator. Dans un appel en ligne intitulé "le manifeste des 30", ils invitent les professionnels de santé à "reconsidérer leur liens avec le groupe pharmaceutique".
En milieu de journée vendredi, ce texte avait déjà été signé par près de 3.000 personnes. Parmi les premiers signataires, Didier Sicart, médecin, ancien président du Comité consultatif national d'éthique (CCNH), Rony Brauman, médecin et ancien président de Médecins sans frontières (MSF) ou encore le philosophe Michel Serres.
Servier, "un sponsor favorablement accueilli". "Nous, signataires de ce manifeste, exhortons les professionnels de santé à reconsidérer leurs liens avec le groupe pharmaceutique Servier, laboratoire mis en examen pour des comportements d'une extrême gravité à l'origine de milliers de maladies cardiaques graves et de décès", demande ce texte mis en ligne en milieu de semaine à l'initiative de la pneumologue Irène Frachon.
"Alors que l'état de nombreuses victimes ne cesse de se dégrader", l'attitude du laboratoire Servier est "contraire à l'éthique scientifique et pharmaceutique", poursuit le manifeste, déplorant que, malgré tout, Servier "reste un sponsor favorablement accueilli par une partie de la communauté médicale, certaines sociétés savantes et de nombreux leaders d'opinion médicaux". En conséquence, les signataires "appellent solennellement les médecins, soignants et leurs instances représentatives à vérifier" si les partenariats établis avec le laboratoire Servier "sont compatibles avec les principes fondamentaux de la déontologie médicale".
Le Médiator, 2.100 décès à long terme ?
Le Mediator, prescrit pendant 30 ans, d'abord contre l'excès de graisses dans le sang, puis comme traitement adjuvant pour les diabétiques en surpoids, est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques. Il pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise judiciaire. L'enquête est terminée depuis avril 2014 mais il n'y a pas de date de procès fixée à ce jour, en raison de plusieurs recours de Servier concernant la procédure
La bataille de l'indemnisation. Le succès rapide rencontré par ce texte n'a pas surpris le docteur Frachon, qui a mis au jour en 2007 le scandale du Médiator. "Cette affaire est un vrai scandale qui indigne l'opinion publique", justifie-t-elle. Pour le médecin, un nouveau "bras de fer se joue entre Servier et l'Oniam" (Office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux) depuis que cet organisme a réévalué, fin 2014, les indemnités accordées aux victimes du Mediator. "Servier a vu ça d'un très mauvais oeil" et, tout en affirmant poursuivre ces indemnisations, conteste désormais les décisions de l'Oniam sous des prétextes "totalement fallacieux".
Le groupe renforce de ce fait la pression sur les victimes et contraint l'Oniam, selon les cas, à indemniser ces dernières avec des fonds publics avant de se retourner ultérieurement contre le laboratoire, assure la pneumologue. Irène Frachon considère que pour le groupe pharmaceutique "les fonds à verser (aux victimes) sont faibles" au regard des moyens financiers du laboratoire, premier groupe pharmaceutique français indépendant.
Servier répond par communiqué. Dans un communiqué publié jeudi, les laboratoires Servier "dénoncent la polémique lancée sur Internet (…)". Servier fait valoir que son soutien à des partenaires ou des manifestations d'ordre médical "respectent les exigences des transparence et l'éthique médicale".