Le décret créant un fichier des mineurs isolés étrangers a été publié jeudi au Journal officiel, instaurant un dispositif très attendu par les départements pour alléger leur fardeau financier mais redouté par les associations qui craignent des passerelles avec la lutte contre l'immigration irrégulière.
Un fichier pour centraliser. Le texte "modifie la procédure d'évaluation" des mineurs non accompagnés (MNA) pour "renforcer le concours de l'Etat", en créant un fichier appelé "Appui à l'évaluation de la minorité", qui centralisera les évaluations menées dans divers départements.
Trois fois plus nombreux qu'il y a deux ans. La récente loi asile-immigration avait, dans son article 51, prévu la mise en place d'un tel fichier biométrique qui compilera l'état civil, la langue parlée, mais aussi "les images numérisées du visage et des empreintes digitales de deux doigts". Le nombre de mineurs non accompagnés a triplé en deux ans pour s'établir à 40.000 pris en charge fin 2018, selon l'assemblée des départements de France (ADF).
Lutter contre le phénomène de "nomadisme"... Les départements sont compétents au nom de la protection de l'enfance mais ils déplorent un coût croissant (2 milliards d'euros selon l'ADF) et un phénomène de "nomadisme" lorsqu'un jeune évalué majeur retente sa chance dans un autre département, aucune centralisation des données n'existant jusqu'à présent.
Concrètement, un département pourra envoyer en préfecture le jeune demandant une évaluation, afin que son identité soit prise et comparée avec les données du fichier. S'il sollicite l'aide de l'Etat, le département devra en échange lui transmettre le résultat de son évaluation pour mettre à jour le fichier.
... et les séjours irréguliers de migrants. La base de données vise à "mieux garantir la protection de l'enfance" et "lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France", précise le décret. Elle sera consultable par certains agents spécifiques des préfectures, du ministère de l'Intérieur, des conseils départementaux, ainsi que par le procureur de la République compétent. Dès sa divulgation à l'automne, le projet a suscité une levée de boucliers.
Le Défenseur des droits inquiet. Le Défenseur des droits Jacques Toubon, le Conseil national des Barreaux, le Conseil national de protection de l'enfance (CNPE) et plusieurs ONG redoutent notamment que les jeunes soient vus comme de potentiels étrangers fraudeurs plutôt que des mineurs, avec un risque d'expulsion à la clé. En effet une personne évaluée majeure "fera l'objet d'un examen de sa situation et, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement". Les données concernant les jeunes évalués majeurs seront versées au fichier recensant les ressortissants étrangers (Agdref), selon le texte.