L’enquête sur la mort d'Adama Traoré, compliquée par les contradictions des experts, se poursuit pour faire la lumière sur les causes exactes du décès. Le 19 juillet 2016, Adama Traoré perdait la vie dans la caserne des gendarmes de Persan (Val-d'Oise), près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise à l'issue d'une course-poursuite, après avoir échappé à une première interpellation. En attendant la dernière analyse médicale demandée à des médecins belges et attendue pour janvier 2021, les juges d'instruction ont ordonné de nouvelles investigations sur le passé de cet homme et des gendarmes, a-t-on appris vendredi.
"Un gendarme indique que les années précédentes, Adama Traoré aurait commis des violences sur sa personne à plusieurs reprises. La question, c'est d'abord de vérifier ces informations", explique Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille Traoré, à Europe 1.
Une demande de la famille
Ces nouvelles investigations répondent à une demande de la famille. Dans ce cadre, les enquêteurs vont passer au crible les précédentes procédures concernant Adama Traoré, afin de trouver celles dans lesquelles les gendarmes qui l’ont interpellé il y a quatre ans étaient déjà intervenus. Objectif : établir s'il existait, ou non, un contentieux entre eux. Les trois juges d'instruction demandent aussi de joindre à l’enquête les dossiers administratifs des trois gendarmes, ainsi que leurs antécédents judiciaires.
Pour Me Yassine Bouzrou, il faudra ensuite "se demander si ce gendarme en question n'a pas profité de cette interpellation, en l'absence de témoins et de vidéos, de ce 'huis clos', pour se venger."
Une marche en hommage à Adama Traoré prévue
"C'est une hypothèse plausible, qui permettrait en tous les cas de comprendre. Il ne s'agit pas d'un mobile mais en tout cas d'une explication, et ça permettrait de comprendre pourquoi il y a eu ce déchaînement de violence", poursuit l'avocat. "Car je rappelle qu'il y a eu un plaquage ventral qui a duré environ neuf minutes, c'est énorme. Si ce contentieux a vraiment existé, ça pourrait permettre de comprendre pourquoi ces gendarmes, ce jour-là, ont fait preuve d'une violence inouïe en interpellant Adama Traoré."
En revanche, les juges d'instruction en charge de l'enquête ont refusé de dessaisir l’Inspection générale de la gendarmerie nationale de l'enquête, comme demandé par Me Yassine Bouzrou. L'organisme reste donc en charge des investigations et notamment de la recherche de nouveaux témoins qui auraient pu assister à la première arrestation, peu avant le plaquage ventral. Ils ont également mis de côté pour l'instant la possibilité d'une reconstitution des faits.
Une marche et un "festival Adama" en souvenir du jeune homme sont prévus ce samedi à Beaumont-sur-Oise, co-organisées pour la première fois par ses proches et des militants écologistes. La manifestation en souvenir de ce jeune homme noir découlera de l'appel, commun et inédit, du Comité Adama et Alternatiba, une des principales organisations du mouvement pour le climat.