Le nombre de morts sur les routes augmente une nouvelle fois en 2016, selon les informations d'Europe 1. Ce sera donc la troisième année consécutive d'augmentation. Mais cette tendance à la hausse est relativement récente. Depuis les premières mesures, dans les années 70, la tendance est largement à la baisse. Aurait-on atteint un plancher difficile à crever ?
- Depuis 40 ans, la tendance est clairement à la baisse
En 1971, 17.506 personnes avaient trouvé la mort dans un accident de la route. À cette époque, on pensait que c’était une fatalité. "On considérait que la route était dangereuse parce que les Français aimaient conduire vite et qu’il y avait un problème général d'alcool", décrit auprès d'Europe1.fr Claudine Perez-Diaz, chercheur honoraire au CNRS, membre du Comité des experts du CNSR (conseil national de la Sécurité routière) jusqu'en 2014. Mais dès 1973, des mesures drastiques ont été prises comme le port obligatoire de la ceinture à l'avant et une réduction de la vitesse autorisée. Le nombre de morts est passé de 18.113 en 1972 à 14.734 l’année suivante. La violence routière a donc diminué.
Les données sont à retrouver sur le site de la Prévention routière
Malgré quelques rebonds, dans les années 80 notamment, la tendance à la baisse s’est largement confirmée. Elle s’explique par deux facteurs essentiels : la mise en place d’un arsenal répressif et le changement des comportements. Anne Lavaud, déléguée générale de l'Association prévention routière, rappelle que le port de la ceinture a pris "une génération à entrer dans les habitudes des Français. L'efficacité de cette mesure ne peut se voir que sur la longue durée mais elle est bien réelle".
L'amélioration des véhicules et celles des routes est aussi à prendre en compte dans la réduction de la mortalité routière "mais elle est lente et régulière", souligne Claudine Perez-Diaz car les améliorations ne peuvent être que progressives. Il s’agit donc avant tout de changer les habitudes des conducteurs.
- Pourquoi observe-t-on un rebond ces trois dernières années ?
Avec l’explosion de l’usage du smartphone notamment, les conducteurs ont pris de mauvaises habitudes. Une étude Deloitte sur les usages du smartphone en 2016 affirme que les Français consultent leur smartphone en moyenne 26,6 fois par jour et dans des contextes de plus en plus nombreux (en pleine nuit ou encore pendant les repas de famille), et la conduite n’échappe pas à la règle.
Les conducteurs, qui vivent dans une impression "d'urgence permanente", ont une "large tendance à la perte d’attention", regrette Anne Lavaud de l’Association prévention routière. On peut donc voir des raisons comportementales à cette augmentation du nombre de morts (+3,5% en 2014, +2,3% en 2015 et +1% en 2016).
D'autre part, les divers dispositifs mis en place par les constructeurs automobiles peuvent avoir un effet contraire au gain de sécurité. Car "l'ultra confiance dans la voiture peut générer des pertes d’attention", explique Anne Lavaud. "Par exemple, lorsqu'on utilise un régulateur de vitesse, la route devient plus monotone et on a envie de consacrer plus d’attention à autre chose qu’à la conduite, à son smartphone par exemple." C'est également le reproche fait aux voitures autonomes.
- Le plancher n’existe pas, on peut toujours faire mieux
L’avenir de la sécurité routière ne peut donc pas être trouvé uniquement à travers les évolutions technologiques. Les comportements doivent s’améliorer et pour cela il faut d’abord se doter de nouveaux outils d’analyse, affirme la secrétaire générale de l’Association Prévention routière. Pour éviter les accidents, il est nécessaire de mieux les comprendre.
"Il faudrait pouvoir croiser les données des forces de l’ordre recueillies au moment des accidents avec celles des assureurs qui en ont une autre vision ou encore les données des opérateurs téléphoniques qui peuvent dire quels ont été les usages du smartphone au moment du choc, les données météo, les données d’infrastructures…". Le but étant de découvrir de nouvelles corrélations entres les accidents et des causes insoupçonnées afin de mieux cibler la prévention.
Pour l’ancienne membre du Comité des experts du CNSR (conseil national de la Sécurité routière), Claudine Perez-Diaz, la solution est également à trouver dans de nouvelles lois. "À partir des années 80, on a connu une relative stagnation du nombre de morts. On pensait donc avoir atteint ce fameux plancher. Mais avec la loi de 2001 et l’installation de nombreux radars, la mortalité a largement chuté" (de 8.160 morts en 2001 à 5.543 en 2005), rappelle-t-elle.
Pour la chercheuse, la réduction de la vitesse est donc essentielle pour faire baisser la mortalité puisqu'elle diminue également les effets des autres comportements accidentogènes (alcool, drogue, inattention, endormissement). "Il faudrait donc une politique institutionnelle volontariste" pour briser ce plancher qui n’existe que "dans la tête de ceux qui ont déjà baissé les bras", conclut Claudine Perez-Diaz.