Le malaise fermente depuis de nombreuses années. Dénonçant une lente et douloureuse dégradation de leurs conditions de travail, les infirmiers scolaires tirent la sonnette d'alarme. Et participeront ce mardi à une marche blanche à Paris afin d'alerter les pouvoirs publics sur un quotidien devenu, disent-ils, source de souffrance et de "risques psycho-sociaux". Une journée d'action organisée quelques jours après la publication d'un rapport d'information consacré à la médecine scolaire et la santé à l'école, présenté par le député LR Robin Réda le 11 mai dernier, et dont le constat parait sans équivoque. "Malgré des objectifs ambitieux, des personnels fortement impliqués et le constat partagé de son importance, la politique de santé à l’école peine à pleinement prendre en charge ses missions", peut-on lire.
Au premier rang des explications, revient principalement le "manque de moyens" à la fois humain et matériel. "Nous sommes laissés à moyens constants. Il y a deux ans, il y a eu 25 créations de postes et depuis, plus rien", regrette Hélène Lauzière, secrétaire académique du syndicat SNICS-FSU à Marseille. Son homologue de l'académie de Nantes, Anne-Marie Cadorel, illustre : "Nous sommes environ 7.800 à l'échelle nationale et nous réalisons 18 millions de consultations à la demande chaque année". Tous réclament ainsi le recrutement de 15.000 professionnels supplémentaires afin de "répondre véritablement aux besoins des élèves".
Revalorisation salariale et versement du CTI
Car une telle situation conduit inévitablement à un surplus de travail pour des infirmiers déjà débordés. Avec, parfois, des conséquences très concrètes sur le suivi des élèves. "Lors de l'entrée en 6e, nous réalisons un entretien individuel où l'on aborde la santé physique et psychologique de l’enfant. On teste son audition, sa taille, son poids, son sommeil, son alimentation, bref son hygiène de vie. Aujourd’hui certains collègues n’arrivent pas à voir tous les élèves qu'ils devraient. Le dépistage peut donc être décalé d'un an, voire ne pas advenir du tout", alerte Anne-Sophie Cadorel. Selon le rapport du député Réda, ce dernier cas de figure concerne tout de même 38% des jeunes collégiens sur l'ensemble du pays.
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Au-delà du manque de moyens, les infirmiers évoquent également une rémunération jugée trop faible. Depuis 2012, ils sont pourtant considérés comme un corps de catégorie A, ce qui doit leur permettre de toucher de meilleurs salaires. Or cette reconnaissance, sur le plan administratif, n'est pas retranscrite sur la fiche de paie, dénoncent-ils. "Le salaire moyen des infirmières de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur est de 1.816 euros, bien en deçà de celui des autres agents de catégorie A qui se situe autour de 2.500 euros", déclarait le SNICS-FSU dans une lettre adressée au président Emmanuel Macron en décembre 2021.
Un signal d'alarme qui, un an et demi plus tard, n'a toujours pas été entendu, selon ces professionnels. "Nous ne sommes pas écoutés", regrette Hélène Lauzière. Les infirmiers réclament par ailleurs le versement du complément de traitement indiciaire (CTI) de 183 euros net octroyés, via le Ségur de la santé en 2020, à de nombreux professionnels du monde médico-social mais pas aux infirmiers scolaires. Ces derniers s'estiment injustement laissés sur le bord de la route.
Un potentiel transfert de compétences pointé du doigt
Enfin, la perspective d'une décentralisation de la médecine scolaire, ouverte par la loi 4D (déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification), inquiète au plus haut point les principaux intéressés. Aujourd'hui aux mains de l'État, cette compétence pourrait en effet être transférée aux départements. "Ce que l'on craint, c'est qu'à terme nous soyons sortis des établissements. Et que nous soyons organisés en services pilotés par des médecins pour ensuite être envoyés faire des missions à droite, à gauche. Cela ne permettrait pas un suivi efficace de l'élève", assure Anne-Sophie Cadorel. Son homologue Hélène Lauzière pointe également de potentielles inégalités d'un département à l'autre. "Dans le Gard, on pourrait avoir une infirmière pour 10.000 élèves et une pour 5.000 dans les Bouches-du-Rhône", illustre-t-elle.
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Autant de revendications que les infirmiers scolaires comptent bien faire entendre pour une raison très simple : "Il y a une augmentation des besoins car la santé des jeunes s'est fortement dégradée depuis le Covid", indique Hélène Lauzière. Un constat corroboré par le rapport du député Robin Réda : "Les troubles dépressifs ont augmenté, en particulier chez les adolescents chez qui on observe un doublement de leur prévalence". Sans compter la hausse du nombre de phobies scolaires, constatée depuis plusieurs années par les professionnels de l'éducation nationale.