Les Comores "n'entendent pas accueillir" les personnes en situation irrégulière dans le département français de Mayotte, que Paris prévoit d'expulser dans les prochains jours dans une vaste opération anti-migrants controversée, a déclaré vendredi à l'AFP le porte-parole du gouvernement de Moroni. L'opération à Mayotte du ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin, baptisée "Wambushu" (reprise, en mahorais), prévoit de détruire des bidonvilles dans le 101e département français situé dans l'océan Indien et déloger les étrangers en situation irrégulière. Ces sans-papiers, dont la plupart sont Comoriens, seraient ensuite expulsés vers Anjouan, à 70 km de distance de Mayotte.
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1.800 policiers et gendarmes déjà présents pour l'opération
"Les Comores n'entendent pas accueillir des expulsés issus de l'opération projetée par le gouvernement français à Mayotte", a déclaré le porte-parole du gouvernement de Moroni, Houmed Msaidie, joint par téléphone. Quelque 1.800 policiers et gendarmes sont déjà présents à Mayotte en vue de l'opération. Plus de 2.500 personnels (forces de l'ordre, agence régionale de santé, justice, réserve sanitaire) sont mobilisés, selon une source proche du dossier.
Ces dernières semaines, les Comores ont appelé plusieurs fois le gouvernement français à renoncer à l'opération, disant ne pas avoir les moyens d'accueillir un afflux de migrants et accusant Paris de semer "la violence". Cet archipel pauvre, de près de 900.000 habitants, n'a pas de centre de rétention administrative. Lorsque des Comoriens sont renvoyés notamment de Mayotte, "nous vérifions l'identité des refoulés (...) et nous les laissons partir puisqu'ils sont chez eux", a expliqué une source sécuritaire à l'AFP. "Nous n'avons pas les moyens d'absorber cette violence fabriquée de Mayotte par l'Etat français", a déclaré en début de semaine le gouverneur d'Anjouan, Anissi Chamsidine.
Les inquiétudes de la société civile comorienne
Le président comorien Azali Assoumani, qui assure depuis février la présidence de l'Union africaine, a pour sa part dit espérer "que l'opération sera annulée", en reconnaissant "n'avoir pas les moyens de (la) stopper par la force". La société civile comorienne a également exprimé ses inquiétudes. Un appel à une marche vendredi a été contrecarré par une interdit préfectoral. A la Grande-Comore comme à Anjouan, les manifestations sur la voie publique ne sont pas autorisées. D'intenses tractations ont eu lieu ces dernières semaines entre Moroni et Paris, laissant planer la possibilité d'un accord de dernière minute.
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Près de la moitié des 350.000 habitants de Mayotte ne possèdent pas la nationalité française, selon l'Institut national des statistiques français, mais un tiers des étrangers sont nés sur l'île. Ces migrants clandestins sont installés dans des quartiers insalubres appelés "bangas", en proie à la violence et aux trafics. Depuis 2019, l'Etat français a considérablement accru la lutte contre cette immigration clandestine, avec notamment la présence continue en mer de bateaux intercepteurs et une surveillance aérienne.