L'opération Wuambushu pourrait être relancée dans les prochains jours à Mayotte, où la justice a ouvert la voie mercredi à la destruction d'un important bidonville et la liaison maritime avec les Comores a repris, rendant à nouveau possible les expulsions vers le proche archipel. Dans un arrêt consulté par l'AFP, la chambre d'appel de Mayotte a donné raison à l'Etat dans sa volonté de démolir l'habitat insalubre de Talus 2, un quartier informel de la commune de Koungou (nord-est) où vivent une centaine de familles.
L'évacuation d'un bidonville suspendue le 24 avril
Le 24 avril, alors que démarrait une série d'interventions de police regroupées sous le nom de Wuambushu ("reprise" en mahorais) sur cette île française de l'océan Indien, le tribunal judiciaire de Mamoudzou, saisi en urgence, avait suspendu l'évacuation du bidonville. Le juge des référés avait estimé que la démolition des habitats visés mettrait "en péril la sécurité" des autres habitants, dont les logements seraient fragilisés.
La chambre d'appel de Mayotte a infirmé mercredi cette ordonnance en jugeant qu'"en dehors de leur statut d'occupant", les requérants n'avaient "justifié d'aucun élément qui permette d'établir la réalité du droit de propriété qu'ils estiment atteint". La chambre estime également que ce litige est de la compétence du tribunal administratif, qui avait déjà donné raison le 13 mai à la préfecture. La juridiction d'appel "relève" en outre "le non respect des droits de la défense, c'est-à-dire de l'État", s'est félicité sur Twitter le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
L’ordonnance du tribunal est annulée. Le juge relève le non respect des droits de la défense, c'est-à-dire de l'État, et l’incompétence du juge judiciaire...
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) May 17, 2023
Notre action déterminée de destruction de l’habitat indigne à Mayotte va donc pouvoir reprendre. https://t.co/U1pzUJRnpx
"Notre action déterminée de destruction de l'habitat indigne à Mayotte va donc pouvoir reprendre", a-t-il ajouté. L'opération de "décasage", autrement dit de destruction des cases en tôle de Talus 2, aura lieu "dans les prochains jours", a précisé son entourage.
Une opération dénoncée comme "brutale"
Wuambushu vise à déloger les migrants en situation irrégulière, pour la plupart venus des Comores voisines, des bidonvilles insalubres de Mayotte. L'opération est dénoncée comme "brutale", "anti-pauvres" et violant les droits des migrants par nombre d'associations, mais soutenue par les élus et de nombreux habitants de l'île, département le plus pauvre de France. "Le volet 'reconquête du foncier et destruction de l'habitat indigne' de l'opération Wuambushu va pouvoir enfin se déployer", s'est réjoui le député LR Mansour Kamardine dans un communiqué, appelant "le gouvernement à le mettre en œuvre rapidement et pleinement".
Ce parlementaire avait vertement critiqué l'ordonnance prise le 24 avril par la présidente du tribunal judiciaire de Mamoudzou, en dénonçant son "parcours d'engagement fort au sein du Syndicat de la magistrature", organisation classée à gauche. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avait répliqué dans une rare mise au point, estimant que "l'impartialité d'un magistrat" ne pouvait être mise en cause "au seul motif" de son appartenance à un syndicat.
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"C'est un début"
L'arrêt de la chambre d'appel intervient le jour de la reprise, très attendue par les autorités françaises, de la liaison maritime entre Mayotte et les Comores, après plus de trois semaines de suspension. Selon le Collectif des citoyens de Mayotte, une vingtaine de Comoriens en situation irrégulière sur le territoire français ont embarqué sur le ferry Maria Galanta et rallié l'île comorienne d'Anjouan. "Ils ne sont qu'une vingtaine à bord, mais c'est déjà un début", s'est réjouie auprès de l'AFP Safina Soula, la présidente du collectif, présente sur le quai de Dzaoudzi pour s'assurer du départ du navire.
Le gouvernement de Moroni avait prévenu lundi qu'il n'accueillerait que les Comoriens en situation irrégulière volontaires pour rentrer au pays, après plusieurs semaines d'un bras de fer avec Paris sur la question du retour des sans-papiers. "Il n'y a eu que des départs volontaires" mercredi, a assuré à l'AFP le porte-parole du gouvernement comorien, Houmed Msaidie. Le Collectif des citoyens de Mayotte avait dénoncé le refus des autorités comoriennes d'accepter leurs ressortissants expulsés en appelant au blocage, depuis deux semaines, des accès au Centre hospitalier de Mamoudzou et à d'autres établissements de soins de l'île.