Christophe Hondelatte revient lundi sur le combat de Paul François, agriculteur en Charente. Le 11 avril dernier, il gagnait son troisième procès contre Monsanto, qu'il accuse de l'avoir intoxiqué.
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Un état de santé qui se détériore. Le mardi 27 avril 2004, la vie de Paul François, agriculteur, bascule. Ce jour-là, il manipule une cuve restée au soleil et inhale par accident des vapeurs d'un herbicide produit par Monsanto, le Lasso. Faible et fatigué, il fait un malaise. Il est conduit aux urgences. Dans les jours qui suivent, son état se détériore encore. L'agriculteur doit faire face à des problèmes d'élocution, de concentration, il maigrit à vue d’œil, les vertiges se multiplient.
Au départ, généralistes et spécialistes ne trouvent rien pour expliquer son état de santé. Lorsque la responsabilité du Lasso est pointée, des professionnels de santé n’hésitent pas à lui opposer des arguments farfelus. Un toxicologue le soupçonne ainsi de se droguer avec l'herbicide, justifiant ainsi la grande quantité du produit dans son sang ! Lui pointe la responsabilité du produit et du fabricant, soulignant qu'il manque des informations sur la manière de manipuler le produit. On ne le croit pas.
Mettre Monsanto devant ses responsabilités. En octobre 2005, la mutualité sociale agricole refuse d’indemniser Paul au-delà de ce qui a déjà été fait. C'est cette nouvelle qui va pousser l'agriculteur à porter l'affaire devant le tribunal des affaires sociales. Avec son avocat, maître François Lafforgue, ils accumulent les preuves contre Monsanto et constatent notamment que le Lasso est interdit depuis des décennies aux États-Unis, au Canada ou encore en Belgique. Second déclic pour Paul François. Il décide de porter une nouvelle fois l'affaire devant les tribunaux. Cette fois-ci, l'agriculteur veut prouver la responsabilité de Monsanto, propriété de Bayer.
Paul François dénonce notamment le manque d'information et la présence d'éléments chimiques dans le produit, non mentionnés sur l'étiquette. "Ce qui a été prouvé par les experts, c’est qu’en inhalant ce gaz, et du fait qu’il est mélangé avec de l’alachlore et douze éléments chimiques qui n’apparaissaient nulle part, il s’est stocké dans les tissus adipeux, les corps gras du corps", détaille Paul François au micro d'Europe 1. "Ce mécanisme a fait que, lorsque je maigrissais, cela repassait dans le sang et surtout allait se fixer dans le système nerveux central."
"Une nouvelle procédure doit avoir lieu pour l’indemnisation". Paul François sait qu'il s'attaque à un géant. Un premier procès a lieu à la fin de l'année 2011. Monsanto est reconnu coupable, mais fait appel. En 2015, la cour d'appel confirme la condamnation de la firme américaine. Mais la cour de cassation casse le jugement, pour vice de procédure. Un troisième procès a lieu. Le jugement a été rendu le 11 avril dernier, la justice reconnaissant pour la troisième fois la responsabilité de Monsanto dans la maladie du céréalier.
Aujourd'hui, Paul François ne porte plus de traces chimiques du désherbant dans ses urines ou son sang. Les conséquences, elles, sont restées. Maux de têtes violents, système immunitaire complètement perturbé, troubles neurologiques. "Ce sont des séquelles que j'aurai à vie", confie Paul François.
Après quinze ans de bataille judiciaire, l'agriculteur (qui est totalement passé au bio depuis) espère pouvoir mettre un point final à cette histoire prochainement. "Une nouvelle procédure doit avoir lieu pour l’indemnisation", indique Paul François. "Le principe est acquis, on espère que le tribunal pourra statuer avant la fin de l'année."